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​Jeudi 13 Juin au festival d’Annecy, dans le cadre de la conférence sur le documentaire animé, la réalisatrice Amélie Harrault, le producteur Olivier Catherin et Yan Volcy, réalisateur sonore, sont revenus sur le film Mademoiselle Kiki et les Montparnos.

 

Ce superbe court métrage combine de multiples techniques graphiques visant à  mettre en scène a vie flamboyante de Kiki de Montparnasse: Reine de la nuit, muse, peintre, chanteuse de cabaret, elle reste le symbole incontournable des Années Folles.

 

Aiguillés par les questions de Morad Kertobi, responsable des courts métrages au CNC, ils apportent un éclairage personnel et enrichissant à ce projet de longue haleine. 

 

 

 

 

 

 

D’où vient Mademoiselle Kiki et les Montparnos ?

 

Olivier Catherin: Initialement, il s’agissait du projet de fin d’étude d’Amélie, lorsqu’elle étudiait à l’EMCA d’Angoulême. Elle l’avait conçu pour le présenter à un jury. Le mois d’avril qui a suivi, nous avons créé les 3 Ours avec Serge Ellisalde qui  était également enseignant à l’EMCA.  Il a demandé à Amélie de passer aux 3 Ours avec son projet et on en est tout de suite tombé amoureux.. La Production a été lancée en septembre 2009 donc ça a mis un certain temps.

 

Amélie, quand tu as lancé kiki et les Montparnos, avais-tu envie d’en faire un documentaire?

                                                                                       

Amélie Harrault: Il y avait effectivement cette volonté mais je n’avais pas assez d’images d’archive à ma disposition et ça me contraignait dans un type de fidélité. On a gardé cette intention même si, au final, il s’agit plus d’une réinterprétation de sa vie que d’un vrai documentaire. Je voulais quand même garder une trace véridique et de fait, la voix-off reprend quelques extraits du journal de Kiki. Bien sûr, il y a eu des réécritures pour que l’histoire soit adaptée au format du court métrage. On a également gardé une chanson et des photos de Kiki car je voulais qu’on la voit physiquement dans le film.

 

Donc au niveau de l’écriture scénaristique, tout est vrai dans les grandes lignes ?

 

A. H. : Tout est vrai dans les grandes lignes. Après, je me suis permis quelques « recontextualisations ». Quand Kiki fait pipi dans La Coupole par exemple, je ne sais pas si c’est à ce moment précis de sa vie mais je voulais mettre en avant cet esprit rebelle et briseur de codes. J’ai donc essayé de faire passer cette idée dans une petite scénette sans aller trop loin pour autant. Parler de la vie d’une femme en 14 minutes c’était forcément compliqué ! J’ai donc essayé de l’illustrer au mieux par l’intermédiaire de petites scènes éloquentes et efficaces. Malheureusement, on est obligé de faire le deuil de beaucoup d’éléments intéressants..

 

Justement, qu’est ce qui t’intéressait dans ce personnage ?

 

A. H. : Plein de choses ! Sa personnalité, son courage d’abord : le fait qu’elle arrive à rencontrer des artistes intellectuels alors qu’elle a grandi dans un milieu très pauvre et peu éduqué, son ascension sociale et artistique. Modèle puis chanteuse, elle devient rapidement une femme reconnue et admirée : même Piaf avait peur d’elle dans les années 20 25 ! Et puis j’aime aussi le regard que Kiki porte sur les artistes, le fait qu’elle les regarde comme des êtres humains. J’avais envie de réinsuffler tout ça dans mon film, de désacraliser l’image qu’on pouvait avoir d’elle.

 

Les historiens ont-ils fait des remarques quant à l’exactitude des faits retracés dans Mlle Kiki et les Montparnos ?

 

A. H. : Et bien j’ai été récemment en contact avec Dan Franck, l’auteur de Bohèmes, érudit de toute cette période. Je n’ai pas eu ce type de retour. Au contraire, ça leur a plu parce que le film apporte un regard neuf.

 

Le fait qu’il s’agisse un film d’animation les a surpris ? Ont-ils trouvé cette technique plus adéquate que de faire appel à une actrice pour jouer le rôle de Kiki ?

 

A. H. : Oui dans le sens où, pour eux ; c’est une manière de voir le documentaire différemment : On va au-delà des images d’archive. L’animation permet de combler des vides. Ainsi, il n’existe plus de traces de certains artistes des années 1910-1915 donc c’était aussi  une façon surprenante d’aller plus loin que 3 photographies.

 

Comment définirais-tu ton film ?

 

A. H. : Je ne le présente pas comme un docu fiction car il n’est pas assez fidèle aux faits. Ce film garde une grande liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Olivier, tu te rappelles de l’arrivée du dossier au CNC ?

 

O. C. : C’était il y a longtemps maintenant ! Cette notion d’étiquette de genre n’a pas du tout été abordée dans les débats en commission. Ce qui a plu dans ce projet, c’est sa richesse visuel, sa composition graphique. Il y a eu ensuite des discussions autour de l’écriture du scénaristique et de la mise en scène.

Je me souviens surtout des débats concernant le déroulement de l’action d’un point de vue réel, en l’occurrence, celui sur un personnage qui a vraiment existé. Pourquoi s’intéresser à Kiki ? Comment mettre en valeur le regard d’Amélie sur le personnage et quelle mise en scène pour l’appliquer ? On peut choisir un moment particulier de sa vie et l’approfondir par exemple.

 

Amélie, comment le scénario a-t-il été écrit pour ce court métrage ? Y avait-il plusieurs versions ?

 

A.H. : Il n’y a pas eu beaucoup de versions : Seulement 2 au départ. Par la suite, celle qui a été retenue a évolué tout au long de la fabrication. Kiki a réécrit son journal et elle a comblé les trous dans les années 30 et 40. Je voulais respecter son choix. En effet, elle parle beaucoup de son enfance et de sa vie jusque dans les années 45, une période où elle est en perte de vitesse. C’est à ce moment-là que je me suis imposée le respect d’une trace.

 

Dans le film, il semble que la première partie soit beaucoup plus documentée, on sent que tu as eu plus de mal à parler de la chute, traitée par le biais de la peinture animée : on est plus dans le ressenti que dans le factuel..

 

A. H. : C’était volontaire parce que des années 35 à 45, elle raconte des évènements qui me semblent moins significatifs car ils sont plus de l’ordre de  l’intime. J’ai préféré l’évoquer plutôt que d’en faire un véritable récit.

 

O. C. : Il me semble que le parcours général de cette femme était intéressant à traiter, plus qu’un moment de sa vie en particulier. Elle a eu un destin extraordinaire : Partie de rien, devenue artiste par le biais de son statut de modèle.. Elle s’élève mais effectivement, à un moment elle se perd. C’était important d’avoir tous les éléments pour retracer le parcours de cette femme emblématique du début du siècle.

 

D’ailleurs, si je me souviens bien, la deuxième partie de sa vie était abordée de façon beaucoup plus détaillée dans le scénario présenté initialement au CNC.

 

Que s’est-il passé entre temps ?

 

A. H. : Les choses ont évolué et il est arrivé un moment où je me suis moi-même demandé s’il y avait un réel intérêt à la raconter de manière aussi détaillée. Je sentais que  j’allai m’embourber quelque part et il m’a fallu trouver un autre biais pour la mettre en image. L’évocation m’a semblé plus simple, sans tomber dans un travers trop anecdotique.

 

O. C. : Il y a une énergie au début du film, sa vie est trépidante. Dans la deuxième partie on était plus sur une espèce de déprime. Traiter ce passage en image s’est avéré compliqué mais on a fini par trouver la solution !

 

Entre le début du projet, alors qu’Amélie était encore à l’EMCA et la fin de la réalisation, combien de temps s’est écoulé ?

 

A. H. : 5 ans à peu près, ça a été assez  long !  (rires)  En fait à l’EMCA j’avais juste cette idée que j’ai commencé à développer avec un choix graphique particulier, ensuite on a commencé l’écriture, monté les dossiers etc.. Le projet a muri deux ans avant d’être véritablement lancé.

 

En tant que réalisatrice, comment garde-t-on l’énergie pour faire ce qu’on prévoyait de faire dès le début, est-ce dur de s’adapter aux changements qu’on est contraint d’ intégrer ?

 

A. H. : Dès le départ, mon intention d’utiliser différents types de représentations graphiques était synonyme de faire plusieurs courts métrages en un seul. A chaque étape, on repartait à 0. C’est assez éprouvant mais en même temps c’est à chaque fois quelque chose de neuf qui se remet en place. Ca m’a permis de ne pas m’enfermer dans un projet trop « rigide ». Au contraire, j’ai pu le nourrir de nouveaux éléments tout au long de sa réalisation.

 

Olivier, au vu de la diversité des techniques d’animation employées dans le film et du nombre important de compétences et de techniciens que celles-ci impliquent, est-ce qu’on ne réfléchit pas à deux fois avant de travailler avec quelqu’un qui ne les maitrise pas forcément toutes ?

 

O. C. : Sur cet aspect là, j’ai fait toute confiance à Serge qui avait eu Amélie comme élève. A partir du moment ou Serge me disait « oui oui ne t’inquiète pas: elle va y arriver » je ne m’y suis pas opposé! Et d’ailleurs, il a eu raison !

J’ai eu des moments de doute sur des choix a certains moment, mais je n’ai jamais douté du fait qu’Amélie mène à bien le projet. Il a parfois fallu lui laisser un peu de temps.

 

Et toi Amélie, comment as-tu dépassé ces doutes ?

 

A. H. : J’ai eu quelques moment difficiles, ma plus grand angoisse était de penser que le résultat ne serait jamais au rendez-vous. Mes doutes étaient récurrents mais Olivier et Serge ont fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension. Ce dernier m’a apporté un vrai soutien technique qui m’a énormément débloqué.

 

O. C. : elle a eu plus de doutes que moi en faite ! (rires)

 

Ça arrive souvent vis à vis des auteurs Olivier ?

 

O. C. : Je crois que c’est le rôle du producteur d’accompagner et de soutenir les auteurs pour leur redonner de l’énergie, quand bien même il peut avoir des doutes lui-même !

 

Pourquoi cette envie de faire appel à tant de techniques différentes dans l’animation de Mlle Kiki ? Etait-ce pour rendre compte des multiples aspects de sa vie virevoltante ?

 

A. H. : J’ai trouvé que l’animation était un bon prétexte pour proposer un regard différent. Les techniques me permettaient de raconter autre chose que la narration en voix off. C’était un jeu de clin d’œil : Montrer à la fois comment Kiki perçoit les artistes et comment ils la perçoivent eux-mêmes. Je trouvais qu’il était intéressant d’adapter les techniques à l’évolution de sa vie, avec à l’intérieur une multitude de clins d’œil aux peintres par exemple. Les techniques viennent illustrer la maturité que gagne Kiki au fil du court métrage.

 

En parlant de peintres, plusieurs d’entre eux sont représentés dans le film : on peut apercevoir leur portrait et certaines de leurs peintures. Le fait de conserver leur style était une évidence ?

 

A. H. : Oui c’était évident que je voulais reproduire leur style. Après je ne savais pas si j’en étais capable et si la chose serait bien perçue à l’arrivé.. Ce type de rapport est compliqué, je ne voulais surtout pas tomber dans quelque chose de prétentieux.

 

Y a t il eu des problèmes au niveau des  droits ?

 

O. C. : Non pas pour les tableaux mais on voulait utiliser des photos de Man Ray qu’on a du virer au final. Amélie m’avait transmis une longue liste de photos, mais l’utilisation d’une seul d’entre elles coute 500 euros, donc Amélie a du revoir ses choix à la baisse ( rires)

 

Autres éléments importants du film : La voix off et Les dialogues. Comment ont-ils été écrits ? Ça a représenté un travail conséquent ?

 

A. H. : C’est moi qui les ai écrit avec l’aide mon copain et de Serge Ellissade. On avait une première base pour que les animateurs travaillent dessus. Ensuite Yann Volsy m’a beaucoup aidé pour redonner de la finesse au son et du sens aux dialogues.

 

Questions à Yan Volsy, réalisateur sonore de Mlle Kiki :

 

A quel moment es-tu arrivé dans l’équipe ?

 

Yan Volsy: Je suis arrivé 2 ans avant la sortie du film, c’est tôt ! Généralement le son n’est mis en place qu’à la toute fin d’un projet. J’ai insisté pour être impliqué assez rapidement pour anticiper les problèmes.

 

Y a t-il des moment où tu as du imposer ton avis vis à vis des idées de la réalisatrice ?

 

Y. V. : Non je crois qu’Amélie était justement très en demande de collaboration et d’échange. Elle a su créer les conditions de cet échange, y compris entre Olivier et moi, on a pu travailler en équipe pour harmoniser au maximum le rendu sonore.

 

Comment s’établit le dialogue entre les gens du son et ceux de l’image ?

 

Y. V. : On a un vocabulaire assez commun en fait ! Pour la petite anecdote, j’avais proposé à Amélie d’injecter des son de cartoon américain qui s’inspirent beaucoup de la scène française de cabaret et d’opérette de cette époque. On a essayé mais ça n’a pas marché du tout. Comme quoi c’est aussi en faisant des erreurs qu’on avance. De la même façon, on a bruité toute la première séquence avec des bouts de papier en se disant que ça s ‘avérerait surement catastrophique : au final le rendu était super. En ça, ouvrir le dialogue assez tôt est très important car on peut tenter plusieurs expériences avant de trouver la bonne.

 

Olivier, ce projet a demandé beaucoup de temps, comment as-tu géré ça en tant que producteur, soumis à des impératifs financiers ainsi qu’à des délais ?

 

O. C. : C’est un aspect un peu compliqué à gérer pour plusieurs raisons : Il y a l’aspect financier bien sûr. Il fallait bien qu’Amélie arrive à vivre donc on lui a proposé de travailler sur d’autres films, histoire qu’elle se change un peu les idées. Il y aussi l’aspect temporel effectivement : Si on dépasse trop les délais, les chaines, le CNC, le conseil régional nous tombent dessus ! j’avais imaginé un peu naïvement qu’on pourrait sortir le film au moment du festival de Cannes de l’année dernière et en fait pas du tout ! Il faut laisser du temps mais il faut aussi que les choses avancent afin que le calendrier n’en pâtisse pas trop. Dans le cas de Kiki, on a compris qu’Amélie avait besoin de prendre un recul sur son court métrage, on lui a laissé le temps de la réflexion et finalement, le résultat est au rendez-vous !

 

 

 

 

17 Juin 2013 | catégorie: comptes rendus

Conférence sur Mademoiselle Kiki et les Montparnos

Les Traditions du Festival d'Annecy + des photos du Mifa

14 juin 2013 | catégories: spécial annecy

Le public du Festival International d'Animation d'Annecy est sans doute un public original ; on le dit grivois, païen, racontant qu'il brûle des kilomètres de bobine à mauvais court métrage lors de messe noire présidée en secret par une poupée de Méliès, déglingo on le dit aussi, mais jamais bouffon, mais toujours un peu badin, larme à l’œil, dont on ne sait en quel sens elle est dramatique, public très plaisant dans toutes ses grotesqueries, saltimbanque de la gorge en un sens, en somme très drôle. Depuis 1960 qu'il s'engorge dans les salles obscurs, il a su donné au festival ses traditions de noblesse, réputées dans le monde entier, dont les Carnets vous présente ci-dessous un exemple exemplaire, preuve à l'appui de ces manifestations surnaturelles de l'abominable cinéphile des salles obscures.



Certains bruits peuvent heurter la sensibilité des enfants.

Aucun animal ne fut maltraité lors de ces séances d'enregistrement.

Et maintenant une page de publicité

Le Mifa a ouvert ses portes à Annecy hier, jeudi 13 juin. Événement majeur de l'industrie de l'animation, le Marché international du film d'animation (Mifa) s'est imposé en 25 ans comme la manifestation la plus importante du secteur. Plus de 2500 professionnels s'y rencontrent, des contrats de productions, de coproductions y sont signés chaque heure, acheteurs et distributeurs s'y pressent attirés par les projets neufs et verts et des conférences décortiquant, triturant, désarticulant, cuisinant les rouages du milieu de l'animation y sont organisées toute la journée !



En voici quelques photos !

Et en applaudissements, s'il vous plait !

13 juin 2013 | catégories: comptes rendus

Compte rendu de la dédicace de Marguerite Abouet 

Pour ceux qui n'auront pu s'y rendre, la Croq'Team vous offre des photographies de la session de dédicace donnée par Marguerite Abouet hier, auxquelles s'accompagne une vidéo, d'une durée de 4 minutes, pendant laquelle elle évoque la production de l'adaptation cinématographique de sa bande desinnée, Aya de Yopoungo.

 

Compte-rendu de la conférence Grandeur et servitude de la fabrication 

 13 juin 2013 | catégorie: comptes rendus

Mardi matin, s’est tenue la conférence intitulée « Grandeur et servitude de la fabrication », réunissant à l'occasion plusieurs personnalités très actives dans le microcosme que représente la production de films animés. Armée de son redoutable dictaphone, Marie de la Croq’Team y a assisté et en a enregistré les moindres détails afin que nous puissions en faire un rapide compte-rendu. 

Introduite et animée par René Broca, en charge depuis 2005 de la conception du cycle des conférences professionnelles d’Annecy, la conférence avait pour toile de fond les problématiques inhérentes au développement et au soutien de la production animée en France, dans un contexte d’internationalisation croissante de cette activité. De fait, les producteurs français sont soumis à une concurrence intense de certains pays émergents où le coût des moyens de production et des salaires sont souvent moins élevés. A cela vient s’ajouter, d'une part, le risque d’une libéralisation du commerce des produits culturels, jusqu’ici plus ou moins protégés économiquement par l’union européenne

et, d'autre part, la menace d’une déterritorialisation des aides.  Il est donc bon de mettre en avant leur savoir-faire dans ce domaine afin de comprendre les difficultés qu’ils peuvent rencontrer lors du lancement, de l’accompagnement et de la finalisation d’un projet ainsi que la maitrise technique, artistique et organisationnel que cela implique.

Eric Jacquot et Armelle Glorennec: retour sur Les Mystérieuses Cité d’Or 2



Eric Jacquot, PDG de Blue spirit productions et Armelle Glorennec, productrice sont tous deux à l’initiative de la saison 2 de l'un des dessins animés les plus cultes des 80 : Les Mystérieuses Cités d’Or. Réalisée par Jean Luc François, elle est aujourd’hui en cours de diffusion sur TF1. Deux nouvelles saisons ont été commandées après les succès d’audience rencontrés par ces mystérieuses cités remises au goût du jour. Ils reviennent de manière très précise sur les 28 mois qui ont vu aboutir cette suite tant attendue.



Doté d’un budget de 7 millions d’euros, ce projet transnational (France, Belgique, Chine) a été porté par une équipe de plus de 100 personnes jusqu’à sa conclusion début 2013 : 26 épisodes de 23 minutes ont été réalisés. Ce fut un véritable challenge car il était nécessaire de préserver l’esprit et l’identité graphique de la série.



Pour assurer cette continuité, toute l’animation a été faite en 3D avec un rendu final en 2D. En effet, la série a été adaptée à la structure de la boite de production Blues Spirit spécialisée dans l’animation 3D. Afin de rentrer dans le budget tout en respectant les délais, plusieurs processus ont été engagés: tout d’abord, Armelle explique que 20% de la production a été faite en Chine, surtout pour les décors et le lay-out 2D, après une pré-modélisation 3D faite par les studios Français et Belges. Cette technique permet d’éviter la « triche » au niveau des perspectives, celles-ci pouvant s’avérer problématiques dans la suite du processus.



Les Mystérieuses Cité d’Or 2 mettent en scène plus de 300 personnages différents au travers d’épisodes feuilletonnants, un format particulier qui nécessite un temps d’adaptation. Si les principaux personnages ont fait l’objet d’une modélisation très précise nécessitant plus de 50 jours pour Mendosa par exemple, leurs gabarits ont ensuite servi de modèles pour les personnages moins importants. Cela simplifie considérablement la tâche des graphistes qui n’ont qu’à les décliner sous d’autres apparences.  Ainsi, la moitié d’entre eux sont des clones calqués sur un des quatre modèles définis. Il faut également souligner le grand nombre d’accessoires créés pour meubler l’univers du dessin-animé. Grâce à un système appelé le « photomaton », les personnages sont pris sous toutes leurs coutures avant d’être validés par le réalisateur. Armelle et Pierre aimeraient que cette technique se généralise afin de créer une base de données d’accessoires communes à plusieurs séries.

De plus, Esteban, Zia et Tao, les trois personnages principaux, sont nomades: ils voyagent dans différentes parties de la Chine en quête de ces fameuses Cités. Il a donc été décidé de répartir l’action de la série dans 9 lieux distincts afin de rationaliser aussi bien le déroulement de l’histoire que le travail des décorateurs et des animateurs. Plusieurs modules ont été  développés de façon à optimiser à la fois l’activité de storyboarding et l’utilisation de gros logiciels comme Toon boum ou 3D S Max : Grâce à plusieurs interfaces, il a été par exemple possible de créer rapidement une caméra dans un décor 3D, de modifier plus aisément les paramètres de focal ou encore d’adapter directement un personnage à un décor en suivant les perspectives définies. Les animateurs parvenaient ainsi à obtenir chacun une productivité s’élevant à 9 secondes de dessin-animé par jour, sans laquelle les délais auraient été largement dépassés.



A ces améliorations purement techniques vient se greffer le logiciel « Simone », qui a permis à Armelle et Pierre de suivre l’avancement de la production de manière claire et détaillée. « Simone » permet en effet d’assurer la remontée de toutes les informations utiles au producteur à travers l’analyse d’un flux conséquent de données. Par ailleurs, il facilite grandement la gestion des différents médias ou encore des salaires des opérateurs.



Tous ces perfectionnements  ont été des étapes nécessaires à l’accouchement de la suite des mystérieuses Cités d’Or. Elles mettent en évidence l’effort constant fait par la production pour respecter le budget et les délais imposés. Si certains outils sont encore en développement, les deux producteurs de Blue Spirit production espèrent que les prochaines saisons de la série pourront pleinement en profiter.



Alexandre Bretheau  et Pierrot Jacquet de chez Cube Creative: L’Aventure Kaeloo



Les deux intervenants suivants font partie de Cube Creative. Alexandre Bretheau  et Pierrot Jacquet supervisent ensemble la plupart des productions  de la boite au premier rang desquelles la série Kaeloo, créées par Rémi Chapotot et Jean-François Henry. Cette série d’animation particulièrement amusante met en scène une joyeuse bande d’animaux débordant d’imagination pour mettre au point de nouveaux jeux pas très sérieux    Chaque saison se compose de 52 épisodes de 7 minutes, un format court et efficace quand il s’agit de rire un bon coup ! Les deux producteurs nous éclairent sur leur méthode de travail, au regard de la structure et du mode de fonctionnement qu’ils ont mis en place pour produire la saison 2. Celui-ci semble s’être montrée particulièrement efficace puisque l’équipe de Cube Creative a même trouvé le temps de réaliser le trailer du festival d’Annecy . Chaque séance est ainsi ponctuée par la bonne humeur contagieuse d’une grenouille, d’un écureuil, d’un chat et d’un canard, ajoutant encore un peu de piment au menu gastronomiquement animé de la semaine !



Jusqu’ici, Kaeloo est le projet le plus dense finalisé par Cube Creative. A terme, le studio aimerait produire des longs-métrages. Kaeloo constitue donc un tremplin idéal pour réussir dans cette entreprise. De fait, cette série a été l’occasion pour les équipes de Cube de structurer quelque chose de plus « gros », dans le sens où elle implique l’élaboration d’un nombre considérable de plans animés. Si la saison 1 a été coproduite avec le studio Blue Spirit Production, qui avait pris en charge une grande partie du projet, la saison 2 a été entièrement élaborée par Cube Creative. La production a donc mis en place un grand nombre d’outils permettant de rationaliser au maximum le travail.  A grand renfort de détails techniques, Alexandre et Pierrot ont expliqué en quoi ces derniers consistaient.

La phase de pré-production a fait l‘objet d’un soin particulier, de façon à simplifier les tâches en aval. Tout d’abord, un pipeline appelé « Tube », c’est-à-dire une plateforme de gestion des ressources numériques, a été spécialement conçu pour les besoins de Kaeloo. Son but ultime a été de parvenir à une certaine automatisation du travail des graphistes, dont le suivi s’est fait de manière personnalisée. Par l’intermédiaire de « tube », ils peuvent ainsi reproduire aisément les nomenclatures et les arborescences nécessaires à l’animation de la série. La création comme l’utilisation des 1700 assets (personnages, décors, crops) est beaucoup plus intuitive. A cette dimension technologique s’ajoute les facilités managériales permises par ce pipe. Chaque animateur sait exactement ce qu’il lui reste à faire au quotidien, ils peuvent sauvegarder leur travail à plusieurs niveaux et soumettre directement leur avancement au superviseur pour qu’ils le valident ou qu’ils soulignent les points à améliorer. Le suivi se fait également au niveau de chaque épisode, classé dans un ordre de priorité. Cette grande automatisation assure un gain de temps précieux à la production en permettant une communication très efficace entre les équipes. De même, la séparation des tâches est clairement définie afin de réduire au maximum les imperfections.


La deuxième singularité de la production de Kaeloo réside dans l’importance majeure du son et des dialogues. Ce sont eux qui donnent naissance à l’image et non l’inverse ! L’enregistrement des voix se fait directement après l’aboutissement du scénario d’un épisode. Les comédiens disposent donc d’une grande marge de manœuvre pour donner vie à ces personnages comiques en leur imprimant une identité propre.  L’acting de l’animation est calé sur le jeu de l’acteur.


Par ailleurs, les storyboarders de la série en sont également les monteurs : à l’oreille, ils sont capables de retranscrire le rythme suivi par chaque épisode. Les animatiques qui en découlent (vidéo faite à partir des croquis du storyboard, synchronisée sur la bande de dialogues) s’avèrent particulièrement utiles pour les animateurs car ils peuvent se faire une idée très précise du déroulement de l’action.


Tous ces élément mis bout à bout permettent de comprendre la réussite d’un projet aussi ambitieux que Kaeloo, un cartoon au rythme effréné et à l'humour ravageur, qui accomplit la prouesse d'amuser petits et grands. La saison 2 des aventures de la petite grenouille accompagnée de ses amis toujours plus nombreux et loufoques sera diffusée prochainement sur Canal +.

 

11 juin 2013 | catégories: comptes rendus ; interviews

Interview de Richard Van Den Boom

Le détachement spécial de la Croq'Team s'est rendu à la conférence, animée par Alexis Hunot de Zewebanime, au sujet des nouveaux modèles économiques relatif à l'animation. Sont intervenus Richard Van Den Boom de Papy3D Productions et Olivier Chaterin de la maison de production des 3 Ours.



En plus de quelques images de la dite conférence, nous vous proposons un distique de deux interviews consacré au champ de la production animée: la première de Richard Van Den Boom et la seconde, qui sera ajoutée ultérieurement, vous le devinez, d'Olivier Catherin ! De quoi rattraper votre retard si vous n'avez pu vous rendre à la conférence !



Bonne lecture !



Vous avez un parcours tout à fait étonnant. Loin d’avoir eu une passion précoce pour l’animation, vous avez tour à tour fait des études de physique moléculaire, travaillé dans l’informatique puis comme consultant. Qu’est-ce qui vous a amené à vous réorienter vers le cinéma d’animation ?


Pour tout dire, je ne me suis pas vraiment orienté  vers l’animation: c’est un hobby que j’ai toujours pratiqué à côté de mon métier. J’ai découvert le cinéma d’animation grâce à mon épouse, aujourd’hui réalisatrice. Quand nous nous sommes rencontrés il y a 20 ans, l’un de nos premiers rendez-vous fut d’aller à une projection de L’Homme qui Plantait des Arbres de Frédérique Bach. Puis quand elle s’est lancée dans l’animation, après avoir fini ses études aux Arts Déco, je l’ai aidé à la réalisation de son premier court métrage en faisant un peu de compositing …


J’étais et je suis toujours porté sur le cinéma d’Arts & Essais. J’ai vraiment découvert qu’il y avait une production importante de courts métrages d’animation à la fin des années 90. Je profitais, en m’invitant par le biais de mon épouse, des projections de courts métrages qu’organisaient ses professeurs.

Vous dites préférer le cinéma d’Art & Essais. Qu’est-ce qui vous a charmé dans le cinéma d’animation pour que vous vous y intéressiez au point de monter une société de production ?


Il faut dire que je suis plutôt difficile, peu d’œuvres me plaisent vraiment. Je suis intéressé avant tout par un travail sur la lumière et le cadrage, sur la personnalité du sujet et l’œil avec lequel il est vu, au sens de graphisme et de focalisation. Or, il est vrai que j’ai autant de difficulté à trouver des films qui me plaisent en animation qu’en prise de vue réelle. Je n’aime pas l’animation pour l’animation, pour le plaisir pur de donner du mouvement à l’inanimé et d’en jouir. L’animation tombe parfois dans cet écueil et c’est regrettable. Je cherche des objets qui soient personnels, uniques, pas seulement une expérience sensitive comme l’animation peut parfois en réaliser.


Vous définissez par la négative ?


C’est en effet plus facile de définir ce que l’on aime en parlant d’abord de ce que l’on n’aime pas ! (rires)


C’est d’ailleurs tout le problème de Papy3D : nous ne savons pas forcément ce que nous avons envie de produire, mais nous savons très bien, en revanche, ce que nous ne voulons pas produire.


Parlons de Papy3D. Les sociétés de production en animation rivalisent de loufoqueries dans leur prénomination. D’où vient celle de Papy3D ?


(rires) – l’origine est une potacherie postée sur le forum des Fous d’Anim. Frank Dion avait laissé entendre qu’il souhaitait réaliser un film en 3D alors que son premier film, l’Inventaire Fantôme était en stop motion. Quelqu’un lui a dit qu’il voulait faire de la 3D de papy, car on se moquait un peu de sa manière de faire comme s’il était un ancien du milieu (rires). Sinon, avant la création de la maison de production, plusieurs fondateurs appartenaient déjà  à un collectif de réalisateurs qui se prénommait Papy3D réalisation. Lorsque nous avons monté une maison de production, nous avons simplement substitué production à réalisation.



Quel est l’origine de Papy 3D Productions ?



On s’est rencontré via un forum de Fous d’Anim en 2003 à une période ou les réalisateurs d’animation se rencontraient peu et pouvaient passer un an en tête à tête avec leur projet. Forcément, cela implique un recul moindre pour juger de la qualité d’un film. Avoir un lieu où ils ont pu se retrouver et partager leurs expériences a été une délivrance. Pendant longtemps, les réalisateurs de courts se retrouvaient sur Fou d’Anim pour discuter. Par la suite, nous nous sommes rencontré à Annecy, au moment où l’un deux voulait monter un film sans vraiment s’y connaître en montage. Il avait l’envie de monter une structure de production. De fil en aiguille, d’autres se sont greffés au projet avec des motivations différentes. Cependant nous avions tous une envie en commun : Prendre notre destin en main en gérant tous les aspects de la production de nos films.


Au départ, nous étions six, puis nous avons été rejoint en 2006 par Jeremy  Chapin et Pierre Caillet. Plus tard, j’en suis devenu l’administrateur. Il se trouve qu’à la base je suis informaticien, j’avais déjà crée des sociétés et j’avais donc une connaissance de la gestion d’entreprise. Je me présente comme administrateur car je fais ce que les autres ne veulent pas faire ! (rires)


Cette politique de l’auteur dont vous parliez se ressent dans vos productions, qui sont fortement caractérisées par des univers et des visions très fortes et originales. Néanmoins, il semble se dégager de celles-ci une unité artistique, esthétique. Qu’en pensez-vous ?


Je n’ai pas vraiment de recul pour juger, mais je crois, oui. Nous n’avons jamais imposé une ligne éditoriale à nos auteurs et la plupart des actionnaires de Papy3D ne partagent pas les mêmes goûts cinématographiques. Mais comme je le disais, nous savons en revanche ce que nous ne voulons pas produire. Les films d’actions, par exemple. Nous essayons de faire en sorte que nos productions soient porteuses d’une personnalité, d’une vision. Vous avez peut-être remarqué que nous n’aimons pas trop non plus les couleurs criardes et sucrées (rires) ! Tous nos films sont dans des tons assez bruns, pas vraiment drôles d’ailleurs … (rires) ! Nous cherchons aussi à ce que nos productions montrent quelque chose, véhiculent une émotion, un message et pas seulement un exercice virtuose de style, métaphorique …


Pour moi, un bon film doit assurer un équilibre entre la limpidité et la profondeur. Il doit y avoir différents niveaux de lecture et un visuel hautement reconnaissable. Il doit privilégier le cadrage, la lumière, la virtuosité. C’est d’ailleurs le cas de tous les auteurs que nous produisons. Le cadrage correspond au regard de l’auteur : je veux que tu regardes ça comme ça, car ça c’est important. C’est ça le vrai langage cinématographique. Mes peintres préférés sont De la tour, Rembrandt, Vermeer. le travail d’un bon cinéaste doit se rapprocher du leur. L’une des choses que je déteste dans le cinéma français par exemple, c’est cette lumière naturelle, plate et chiante qui n’apporte rien. J’aime les gens qui travaillent leur image, qui construise un langage de la lumière. Tous les réalisateurs que j’aime sont des gens qui orientent le regard.

Dans cette perspective, pourriez-vous nous parler de Monsieur COK, qui sera projeté lors de la seconde édition des Soirées Croq’LaBelle le 19 juin ?

D’un point de vue scénaristique et graphique, Monsieur COK est un court métrage fort. Selon la vision de son réalisateur, Frank Dion, c’est un portrait décalé de l’ancien patron de Vivendi Universal, voire plus généralement des patrons à la tête de leurs empires, qui deviennent mégalomanes à force de gérer de telles structures. Détail amusant s’il s’en faut, le film est sorti en 2008, au même moment que la crise des subprimes.

Ce court-métrage est aussi un hommage aux luttes que la famille de Franck a menées, au nom du communisme. Ce film transmet  un message très fort, ses interprétations multiples, au point que l’on a pu nous accuser de faire l’apologie du terrorisme !

Pouvez-vous nous parlez des autres films programmés ? Selon vos propres mots, la programmation des Soirées Croq’LaBelle du 19 juin sera ryhmée par six films qui ont jalonnée votre immersion dans le monde de l’animation, depuis votre première visite au festival d’Annecy jusqu’à vos dernières productions.


Ca n’a pas été facile (rires) ! Je me suis demandé quel avait été mon parcours dans l’animation d’un point de vue chronologique.
Au bout du monde est l’un des films que j’associe au souvenir de ma première visite à Annecy, en 2000, où il avait été diffusé dans le cadre d’un programme spécial. Bien que je ne l’aurais probablement pas produit, le ton de ce film m’a marqué. Il me faisait penser au Génie des Alpages, cette bande dessinée aberrante à l’humour absurde dont je suis fan depuis mon plus jeune âge.


Fable est un court métrage dont je garde un souvenir très fort, je l’ai vu à Annecy en 2006. Ce film m’a donné envie de me lancer dans la production. Je le trouve magnifique en tout point : son graphisme, son ambiance sonore, le mystère qu’il dégage … Je ne trouve pas que ce soit un film abscons, comme on a pu lui reprocher, bien qu’il appelle certainement à une forme de réflexion. C’est ce que j’aime, je suis un peu un ruminant du cinéma (rires) : j’aime les films qui me résiste, que je dois remâcher longtemps après leur visionnage. Pour qu’un film me séduise, il faut qu’il me hante. Enfin, Fable est de la même année que Papy3D. Pour l’anecdote, son réalisateur a un film sélectionné à Annecy  cette année: Ferral.


Les autres courts métrages au programme sont tous des productions de Papy3D. Monsieur COK est notre premier film, je me devais donc de le mettre ainsi que la Femme Squelette, premier film de ma femme. Il est très librement inspiré du conte inouï éponyme ; il montre comment une femme engluée dans son quotidien se trouve métaphoriquement dans une situation analogue à celle de la Femme Squelette.


Lovepapate est notre troisième film. J’ai tenu à  le présenter car j’ai mis du temps à me réconcilier avec lui. Il faut pourtant dire qu’il avait été sélectionné à Cannes, en 2013, lors de la semaine de la critique. C’est précisément à Cannes, quand je l’ai revu, que j’ai réalisé que c’était un vrai film d’auteur, que personne d’autre que ne pouvait réaliser une telle œuvre. C’est  d’ailleurs pour cela que je suis si heureux de ne pas prendre les décisions seul.


Comment décidez-vous ?


De façon collégiale : les huit actionnaires ensemble. En revanche, le vote n’a pas besoin d’être unanime, il faut simplement qu’il y ait une majorité de producteurs et que les autres ne soient pas entièrement contres.


Et Palmipedarium, pouvez-vous nous en parler ?


Oui. Il fallait montrer un film de notre cru 2012 (rires) ! J’ai donc choisi Palmipedarium car il est cette année en compétition à Annecy. Si je l’ai préféré à nos autres productions, c’est parce qu’il est plus court et que je manquais de temps. Encore une fois, c’est un vrai film d’auteur, le visuel est particulièrement radical. Pour l’anecdote, quand le film est arrivé au stade de la production, le réalisateur s’est longtemps demandé ce qui l’avait incité à le réaliser en 3D. C’est pourquoi la 3D de son court métrage est si étrange, avec des mouvements de caméra à n’en plus finir, d’une grande justesse. Et je ne parle pas du traitement sonore …

Dans tous les films, l’ambiance sonore semble importante ?


En effet. Selon moi, le son est la véritable 3D du cinéma. L’immersion est liée à l’ambiance sonore qui vous entoure. Elle donne du volume à l’image. Lors du processus de réalisation, il peut arriver que nous ayons une sorte de ras le bol des images, mais le jour du montage,  lorsque le son accompagne l’image, c’est toujours un bonheur: le film gagne en puissance et nous le redécouvrons. C’est pourquoi à Papy3D, nous allouons toujours un poste budgétaire très important au  travail sonore. 


Faites-vous appel à des compositeurs, des ensembles d’orchestres ou des musiciens professionnels ?


C’est au réalisateur d’en faire le choix. La majeure partie des musiques que vous pouvez entendre dans nos films sont composées par Pierre Caillet, l’un des actionnaires de Papy3D, bien que ce ne soit pas une règle. C’est un compositeur de talent, qui sait s’adapter en fonction des univers : Il a notamment mis en musique les films de Franck Dion, ou encore la Femme Squelette.
Pour Palmipedarium et la Patate, en revanche, les réalisateurs ont fait appel à des amis.


Il arrive que la musique, sur certains projets, soit composée par ordinateur, auquel cas nous faisons également appel à des musiciens pour jouer des partitions spécifiques afin d’obtenir une texture sonore de qualité. Dans le cas d’Edmond était un Âne, nous avons recruté un ensemble orchestral complet, le Quator Modigliani. Ces artistes auraient pu exiger une rémunération plus importante que celle qui leur a été faite, mais ce ne fut pas le cas. Ils ont participé car le projet les intéressait réellement. Le milieu du court métrage a cette qualité de ne pas être encore trop commerciale.


La production du court métrage est-elle un choix artistique ou économique ?


En animation, le choix de faire ou non du court métrage est plutôt artistique. Un court métrage d’animation est loin d’être économique : un budget minimum tourne aux alentours de 80 000 à 100 000 euros pour un court de 6 à 7 minutes. Un court métrage requiert également des subventions, une équipe complète engagée à plein temps…


Comparé au long métrage, quelles qualités, selon toi, présente le format du court métrage pour un réalisateur ?



Le court métrage est fort quand il est dense. Pour moi, la mode qui consiste à faire des courts métrages de 45 minutes est un contresens. De façon générale, les personnes à l’origine de ces projets désirent simplement réaliser un long métrage avec un budget de court-métrage. La plupart du temps, les réalisations qui en résultent sont trop verbeuses.


Voulez-vous dire que le court métrage supporte un traitement restreint de la parole ?


Non, pas vraiment,  je dirai plutôt qu’il nécessite une vraie densité : dire peu de chose dans un temps réduit, jusqu’à 15 à 20 minutes.  Beaucoup de gens pensent que l’animation devrait être muette, exclusivement métaphorique. Je ne suis pas d’accord, le verbe a son sens : ajouter une voix off, des dialogues, ça donne aussi du sens à une œuvre.  Il y a également un désir d’être significatif.


C ‘est ce que j’aime dans le court: cette densité qu’on prend dans la figure ! Un court fait passer énormément de choses, on a envie de revoir tout ça, pour pouvoir « ruminer »  ensuite (rires) ! C’est pourquoi il est important d’employer, en format court, un langage cinématographique qui dit beaucoup de chose en peu de temps.


Quelles sont les qualités requises pour être un bon producteur ? Y-a-t-il des visions du bon producteur au même titre qu’un réalisateur ?

 

Il y a beaucoup de visions différentes. Pour moi, un producteur ne doit pas chercher à s’imposer, il doit accompagner les auteurs le mieux possible pour qu’ils puissent s’épanouir et arriver à finaliser leurs œuvres. L’accompagnement se fait aussi bien en amont, dans la réflexion sur leur projet, que pendant la production,  où l’on doit être disponible pour leur assurer un environnement de production confortable. Il y a un travail en aval également, pour soutenir et défendre leurs œuvres.


Dans toute production, les réalisateurs connaissent un moment de déprime, d’incertitude par rapport à la qualité de son film. Ils ont besoin d’en parler. Souvent, une fois que le film fini, il ne correspond pas à leurs attentes. C’est alors à nous de le porter, de faire en sorte qu’il soit vu.


En France, globalement, la plupart des producteurs ont tendance à essayer de bien porter leurs auteurs.


Pourquoi avez-vous accepté l’invitation de Croq’Anime ?


J’accepte toutes les invitations, j’estime que c’est le minimum du respect  que de répondre aux demandes des personnes qui se donnent du mal pour organiser des évènements mettant en valeur l’animation. Ils jouent un rôle important dans la diffusion des films. 
Je ne cherche pas à me mettre en avant par rapport à Papy3D. Je préfère qu’on parle des auteurs plutôt que de ma personne... Si j’ai accepté de faire une section pour la projection Croq’ La Belle, c’est parce que la tâche n’était pas trop ardue !


Papy3D a été fondé par un collectif de réalisateur. Cela implique une certaine spécificité car les réalisateurs sont  aussi auteurs exécutifs. Quels en sont les avantages ?


J’ignore si cela est si spécifique. Nous, nous l’affichons mais peut-être que d’autres le font aussi. Globalement, chez Papy 3D, un réalisateur décide de tout en terme de production : Avec qui il travaille, à quel endroit et dans quelles conditions. On discute aussi ensemble des postes budgétaires. Le réalisateur accompagne vraiment le film de bout en bout : Il choisit son compositeur, son ingénieur du son …


Sa liberté artistique est préservée, il utilise les moyens de production de manière complètement libre. La seule condition étant que le budget prévu soit respecté. Chez nous, les réalisateurs connaissent le budget de leur film et savent combien leurs collaborateurs sont rémunérés. Ce n’est pas forcément le cas dans toutes les productions.


Pourquoi cette méthode ne se généralise pas ?


Parce que ce n’est pas aussi évident que ça semble l’être. Certains réalisateurs ne veulent pas endosser cette responsabilité. Ils veulent se concentrer sur leur film sans s’occuper du reste. D’autres n’arrivent pas à gérer ces différents rôles: ils ne savent pas être raisonnables et ont donc besoin d’être réellement entourés.  De plus, si le budget n’est pas suffisant, finir un film nous met dans une situation très désagréable. En cela, notre modèle n’est pas valable pour tout le monde : c’est une démarche qui doit être volontaire.


Est-ce une façon de responsabilité l’auteur ?


Oui, ou du moins cela peut aider ceux qui veulent le devenir. Ce n’est pas pour rien qu’il existe plusieurs sociétés de production …


Quel rôle joue le CNC dans la production de l’animation ?


Le CNC apporte une contribution financière importante : il participe à hauteur de 50%, voire 70% dans le financement d’un film. Le reste étant financé par les régions, les pré-achats  des chaines de télévision ou d’autres aides. Le court-métrage a une carrière commerciale très restreinte : Généralement, les ventes réalisées représentent à peine 10% du budget qu’on lui a consacré.


On observe une tendance à l’internationalisation dans le domaine de la production animée, voire dans la production cinématographique en général. De quel œil voyez-vous, à Papy3D, ce phénomène ?



Jusqu’à l’année dernière, j’aurais pu dire que j’étais dubitatif. Il s’avère qu’on a fait une coproduction avec l’ONF (Canada) pour le film Edmond était un âne .Tout le travail sonore a été fait là bas. Budgétairement parlant, ça n’était pas forcément nécessaire mais on s‘est dit que c’était une belle expérience que d’aller au Canada travailler avec eux. Ca a été un succès et on pense d’ailleurs le refaire pour un de nos futurs projets. S’agissant d’un court-métrage, travailler en coproduction est difficile: Un auteur doit maitriser à fond les choses car la réalisation se fait sur 2 ou 3 sites distincts. La plupart du temps c’est une vraie galère ! On ne cherche pas forcément à encourager cela.


Même si au début, j’étais vraiment réticent, l’ONF nous a apporté un vrai plus au niveau de la visibilité et de la distribution. Par ailleurs, ça a été une très belle expérience humaine.  Et pourtant, en animation, il est dur de travailler avec de nouvelles personnes.  Même lorsque l’on se rend compte qu’ils ne font pas l’affaire, l’argent est déjà sur la table et on est donc obligé d’aller plus loin.

La France est le premier producteur d’animation en Europe et le troisième au niveau mondial (source CNC). Au regard de votre expérience, comment définiriez-vous cette production ? La quantité empiète-t-elle sur la qualité ?



En terme de volume, c’est grâce aux séries télévisées qu’on est le troisième producteur, or celles-ci ne sont pas extraordinaires.  Pour le court métrage c’est différent, il y beaucoup de produits et la qualité est souvent au rendez-vous. D’un point de vue cinématographique,  cela tient au fait que les réseaux de financement sont élaborés.  Au festival d’Annecy, la France est d’ailleurs très représentée dans cette catégorie.


Comment expliquez-vous cette qualité ?


Tout d’abord, Il y a une réelle possibilité de monter des courts en France. Les financements et les aides permettent d’entretenir un écosystème d’animateurs, d’artisans. En plus de cela, il y a un réseau important d’école, permettant de pérenniser cette volonté d’avoir une production d’auteur sur les courts. 
En revanche, aux Etats-Unis par exemple, malgré la puissance commerciale d’Hollywood, c’est encore très difficile de monter du cinéma d’animation. Il faut postuler à des bourses de certains organismes, souvent dures à obtenir.


Papy3D fait partie du collectif des producteurs de courts-métrages d’animation, crée en 2007 à Annecy et qui regroupe la quasi-totalité des producteurs français de ce secteur. Depuis sa création,  le Collectif a permis entre autre une réévaluation des montants d'aide du CNC et la nomination d'un expert au sein des commissions de CNC. Qui fut à l’initiative de ce collectif et pourquoi ?


A l’origine, ce collectif a été vraiment initié par Arnaud des Films du Nord, très militant et très actif.  Nous l’avons directement intégré parce que ça nous paraissait aller de soi. Si on fait une société de production, c’est pour être de véritables acteurs de ce système.  Nous voulions faire partie des discussions et l’action de ce collectif a été positive en ce sens. Globalement, cela a permis d’établir  plus de dialogue entre les producteurs.


Au delà de l’aspect revendicatif des institutions, j’ai pu élargir ma liste de contacts. En ce moment, on essaie de monter un projet dans la ville de Valence, en région Rhône Alpes. le fait de connaître les gens de Folimage et de la région, ça nous aide énormément. Nos objectifs sont relativement proches.


Quand on ne connait pas les autres, on peut facilement leur plaquer des clichés sur le dos mais une fois le dialogue engagé, on s’ouvre, on comprend que chacun a sa manière de travailler et qu’on doit la respecter. On apprend à relativiser. Ca a été assez formateur pour moi.


Quels sont vos projets futurs, à Papy 3D Productions ?


On a deux projets dont on commence la production en fin d’année. Un projet mené par mon épouse et le premier projet d’une réalisatrice hors fondateur. Elle a fait l ‘école de la Poudrière. C’est là qu’elle a rencontré Jeremy. Ce dernier nous a présenté son projet, il nous a plu et on a donc accepté de le produire. Nous avons du nous adapter : jusqu’ici on avait surtout travaillé avec des réalisateurs expérimentés, sur de ce qu’ils voulaient. Dans ce cas précis, on est tombé sur une réalisatrice de 25 ans qui avait beaucoup de qualités, mais dont le projet devait être retravaillé. On s’est retrouvé dans une situation un peu inconfortable car on ne voulait pas la pousser à faire un film qui correspondait à sa vision. Finalement, le projet  a obtenu l’aide du CNC, de la télé et de la région Rhône Alpes.


Je  ne parlerai pas trop du film de ma femme pour ne pas déflorer la surprise (rires) ! Je dirai juste que c’est un projet assez réaliste. Sarah a voulu faire appel à des gens qui donnent chacun leur opinion sur un sujet commun.  A la base, on était parti sur une idée de documentaire animée. Finalement, c’est plutôt un film de fiction qui se base sur une recherche documentaire.  On a eu beaucoup de mal à le faire accepter auprès des institutions de financement car il le trouvait trop réaliste, pas assez métaphorique, trop linéaire. On nous a demandé pourquoi on le faisait en animation, par exemple ! Sauf que voilà, c’est le medium que préfère Sarah, par conséquent, la question ne se posait pas.


J’ai l’impression que la majorité des gens qui font du cinéma ne connaissent rien au cinéma d’animation, ils ignorent même l’existence d’un cinéma d’animation d’auteur. Généralement, ces personnes là connaissent le long métrage sans connaître aussi le court.


Comment as-tu connu Croq’Anime ?


J’ai rencontré  Sylvie aux Apéros Animés qui se déroulent tous les premiers mercredis du mois. Les passionné d’animation s’y rencontrent et discutent : amateurs, réalisateurs, producteurs. On avait envie de mettre en place un moment informel et convivial où les gens puissent se retrouver librement. Les apéros se déroulent toujours au même endroit : Dans le haut Paris, rue des Envierges dans le 19ème métro Pyrénées. C’est le premier mercredi de chaque mois. A partir de 19h30 et jusqu’à minuit et demi en moyenne.


Un message pour l’équipe de Croq’Anime ?


J’ai beaucoup de respect pour les gens qui font les choses par passion. Je sais que ça demande beaucoup d’énergie sur la durée. Il est facile d’organiser un événement de temps en temps mais tenir un projet année après année, c’est un investissement considérable et méritoire, avec ses hauts et ses bas. Les gens qui ont la volonté de tenir ça années après années ont beaucoup de mérite. Il n’y a pas beaucoup d’initiative d’animation à Paris même. Je souhaite que cette initiative marche bien et j’espère qu’elle deviendra un jour un rendez-vous incontournable.


Un court métrage que vous souhaiteriez partager ?


Il y a ce film dont je vous parlais, L’homme qui plantait des arbres même s'il n’est pas forcément l’œuvre la plus représentative de mes attentes en termes d’animation. Je citerais davantage
 le court métrage de Youri Norstein qui illustre un haïku dans le cadre du long métrage Jours d’Hiver et met en scène un petit moine qui court dans la nature. J’en garde un incroyable souvenir de jubilation (rires) !


Ce petit film, avec cette animation très délicate et tout le charme qui se dégage de cette nature, de ce petit moine qui court dans les feuilles mortes. J’aime ce type d’animation dont il émane une personnalité incontestable et touchante, sans être m’as-tu-vu et une belle poésie. Il ne fait pas appel à des ficelles, c’est frais, court et spontané. Il arrive à suggérer cette impression de nature en un temps très bref. Je trouve ça fort ! J’adore Youri Norstein, chez lui, il y a une subtilité dans ce qu’exprime l’animation : dans ses personnages, dans sa vision du monde.

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