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11 juin 2013 | Alexis Rosier

Interview de Richard Van Den Boom

Le détachement spécial de la Croq'Team s'est rendu à la conférence, animée par Alexis Hunot de Zewebanime, au sujet des nouveaux modèles économiques relatif à l'animation. Sont intervenus Richard Van Den Boom de Papy3D Productions et Olivier Chaterin de la maison de production des 3 Ours.



En plus de quelques images de la dite conférence, nous vous proposons un distique de deux interviews consacré au champ de la production animée: la première de Richard Van Den Boom et la seconde, qui sera ajoutée ultérieurement, vous le devinez, d'Olivier Catherin ! De quoi rattraper votre retard si vous n'avez pu vous rendre à la conférence !



Bonne lecture !



Vous avez un parcours tout à fait étonnant. Loin d’avoir eu une passion précoce pour l’animation, vous avez tour à tour fait des études de physique moléculaire, travaillé dans l’informatique puis comme consultant. Qu’est-ce qui vous a amené à vous réorienter vers le cinéma d’animation ?

 

Pour tout dire, je ne me suis pas vraiment orienté  vers l’animation: c’est un hobby que j’ai  toujours pratiqué à côté de mon métier, expert en gestion de données numériques. J’ai découvert le cinéma d’animation grâce à mon épouse, aujourd’hui réalisatrice. Quand nous nous sommes rencontrés, il y a 20 ans, l’un de nos premiers rendez-vous fut d’aller à une projection de L’Homme qui Plantait des Arbres de Frédéric Bach. Puis, quand elle s’est lancée dans l’animation, après avoir fini ses études aux Arts Déco, je l’ai aidé à la réalisation de son premier court métrage en faisant un peu de compositing …

 

J’étais et je suis toujours porté sur le cinéma d’Arts & Essais. Je n’ai vraiment découvert qu’il y avait une production importante de courts métrages d’animation  qu’à la fin des années 90. Je profitais, en m’invitant par le biais de mon épouse, des projections de courts métrages qu’organisaient ses professeurs.

Dans cette perspective, pourriez-vous nous parler de Monsieur COK, qui sera projeté lors de la seconde édition des Soirées Croq’LaBelle le 19 juin ?

D’un point de vue scénaristique et graphique, Monsieur COK est un court métrage fort. Selon la vision de son réalisateur, Frank Dion, c’est un portrait décalé de l’ancien patron de Vivendi Universal, voire plus généralement des patrons à la tête de leurs empires, qui deviennent mégalomanes à force de gérer de telles structures et qui sont trop souvent remplaçables à l’identique. Il illustre bien, je pense, nos attentes en termes de richesse graphique, scénaristique et de réalisation. Détail amusant, le film est sorti en 2008, au même moment que la crise des subprimes.

 

 

 

 

 

Vous dites préférer le cinéma d’Art & Essais. Qu’est-ce qui vous a charmé dans le cinéma d’animation pour que vous vous y intéressiez au point de monter une société de production ?

 

​Il faut dire que je suis plutôt difficile, peu d’œuvres me plaisent vraiment. Je suis intéressé avant tout par un travail sur la lumière et le cadrage, sur la personnalité de la réalisation et l’œil avec lequel le sujet est présenté. Or, il est vrai que j’ai autant de difficulté à trouver des films qui me plaisent en animation qu’en prise de vue réelle. Je n’aime pas l’animation pour l’animation, pour le plaisir pur de donner du mouvement à l’inanimé et d’en jouir. Je cherche des objets qui soient personnels,  pas seulement une expérience sensitive comme l’animation peut parfois en proposer.
 




Vous définissez par la négative ?


C’est en effet plus facile de définir ce que l’on aime en parlant d’abord de ce que l’on n’aime pas ! (rires)


C’est d’ailleurs tout le problème de Papy3D : nous ne savons pas forcément ce que nous avons envie de produire, mais nous savons très bien, en revanche, ce que nous ne voulons pas produire.


Parlons de Papy3D. Les sociétés de production en animation rivalisent de loufoqueries dans leur prénomination. D’où vient celle de Papy3D ?


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Quel est l’origine de Papy 3D Productions ?



Nous nous sommes rencontrés via le forum des Fous d’Anime en 2003, à une période où les réalisateurs d’animation se rencontraient peu et pouvaient passer un an en tête à tête avec leur projet. Forcément, cela implique un recul moindre pour juger de la qualité d’un film et pas mal de solitude. Avoir un lieu où ils pouvaient se retrouver et partager leurs expériences a été une délivrance. Pendant longtemps, les réalisateurs de courts se retrouvaient sur Fous d’Anime pour discuter. Par la suite, nous nous sommes rencontrés à Annecy, au moment où l’un deux voulait monter un film sans vraiment s’y connaître en production. Il avait l’envie de monter une structure. De fil en aiguille, d’autres se sont greffés au projet avec des motivations différentes. Cependant ils avaient tous une envie en commun : prendre leur destin en main en gérant tous les aspects de la production de leurs films. Au départ, nous étions six (Gilles Cuvelier, Franck Dion, Jean-Michel Collet, Grégory Sukiennik, Sarah Van Den Boom et moi), puis nous avons été rejoint en 2006 par Jeremy  Clapin et Pierre Caillet. J’en suis devenu l’administrateur car il se trouve qu’à la base, je suis informaticien,j’avais déjà crée des sociétés et j’avais donc une connaissance de la gestion d’entreprise. Je me présente comme administrateur car je fais ce que les autres ne veulent pas faire ! (rires)


Cette politique de l’auteur dont vous parliez se ressent dans vos productions, qui sont fortement caractérisées par des univers et des visions très fortes et originales. Néanmoins, il semble se dégager de celles-ci une unité artistique, esthétique. Qu’en pensez-vous ?

 

​Je n’ai pas vraiment de recul pour juger, mais c’est bien possible. Nous n’avons jamais imposéune ligne éditoriale à nos auteurs et la plupart des actionnaires de Papy3D ne partagent pas les mêmes goûts cinématographiques. Mais comme je le disais, nous savons en revanche ce que nous ne voulons pas produire. Les films  « course-poursuite », par exemple, ou de l’expérimental. Nous essayons de faire en sorte que nos productions soient porteuses d’une personnalité, d’un regard. Vous avez peut-être remarqué que nous n’aimons pas trop non plus les couleurs criardes et sucrées (rires) ! Tous nos films sont dans des tons assez bruns, pas  forcémentdrôles d’ailleurs … (rires) ! Nous cherchons aussi à ce que nos productions montrent quelque chose, véhiculent une émotion, aient un enjeu et pas seulement un exercice virtuose de style oumétaphorique …J’aime qu’un film assure un équilibre entre la limpidité et la profondeur.

 

J’aime qu’il ait différents niveaux de lecture et un visuel hautement reconnaissable. Je préfère qu’il privilégie le cadrage, la lumière au mouvement et à la virtuosité. Le cadrage correspond au regard de l’auteur. Il participe énormément au langage cinématographique. J’aime ce travail du cadrage et de la lumière chez des peintres comme De la Tour, Rembrandt, Vermeer et j’ai tendance à rechercher des cinéastes dont le travail leur fait un écho plus ou moins déformé. L’une des choses que je déteste dans le cinéma français par exemple, c’est cette lumière naturelle, plate et inintéressante, associée à un cadrage en plan américain un peu bête. J’aime les gens qui travaillent leur image, qui construise un langage de la lumière. Tous les réalisateurs que j’aime sont des gens qui orientent le regard, qui ont un parti pris.

 

Je retrouve dans l’ensemble cette recherche dans les films de Papy3D. C’est probablement pour ça que je me sens bien en phase avec notre production.
 


(rires) – l’origine est une potacherie postée sur le forum des Fous d’Anime. Frank Dion avait laissé entendre qu’il souhaitait réaliser un film en 3D alors que son premier film, l’Inventaire Fantôme était en stop motion. Quelqu’un lui a dit qu’il voulait faire de la 3D de papy, car  il affectait souvent pour rire une posture de patriarche de l’animation (rires). Plusieurs fondateurs dont Franck créèrent ensuite  à un collectif de réalisateurs qui se prénommait Papy3D Réalisations. Lorsque nous avons monté une maison de production, nous avons simplement substitué Productions à Réalisations.

Pouvez-vous nous parlez des autres films programmés ? Selon vos propres mots, la programmation des Soirées Croq’LaBelle du 19 juin sera ryhmée par six films qui ont jalonnée votre immersion dans le monde de l’animation, depuis votre première visite au festival d’Annecy jusqu’à vos dernières productions.

 

Ca n’a pas été facile (rires) ! Je me suis demandé quel avait été mon parcours dans l’animation d’un point de vue chronologique. Au bout du monde est l’un des films que j’associe au souvenir de ma première visite à Annecy, en 2000, où il avait été diffusé, il me semble, dans le cadre d’un programme spécial. Je ne sais si nous pourrions produire un projet de ce type, mais le ton de ce film m’a marqué. Il me faisait penser au Génie des Alpages, cette bande dessinée aberrante à l’humour absurde dont je suis fan depuis mon plus jeune âge.


Fable est un court métrage dont je garde un souvenir très fort, je l’ai vu à Annecy en 2006. C’est un exemple type de film que je souhaite que nous produisions. Je le trouve magnifique en tout point : son graphisme, son ambiance sonore, le mystère qu’il dégage … Je ne trouve pas que ce soit un film abscons, comme on a pu lui reprocher, bien qu’il appelle certainement à une forme de réflexion. C’est ce que j’aime, je suis un peu un ruminant du cinéma (rires) : j’aime les films qui me résistent, que je dois remâcher longtemps après leur visionnage. Pour qu’un film me séduise, il faut qu’il me hante. Enfin, Fable est sorti l’année  de la création de Papy3D. Pour l’anecdote, son réalisateur a un film sélectionné à Annecy  cette année: Feral. Les autres courts métrages au programme sont tous des productions de Papy3D.

 

Monsieur COK est notre premier film, je me devais donc de le mettre ainsi que la Femme Squelette, premier film de ma femme. Il est très librement inspiré du conte inuit éponyme ; il montre comment une femme engluée dans son quotidien se trouve métaphoriquement dans une situation analogue à celle de la Femme Squelette.

 

Love Patate est notre troisième film. J’ai tenu à  le présenter car j’ai mis du temps à me me faire une opinion définitive sur lui. Il faut aussi dire qu’il a été sélectionné à Cannes, en 2010, lors de la Semaine de la critique, c’est donc une étape majeure dans la vie de notre petite structure. C’est précisément à Cannes, quand je l’ai revu, que j’ai réalisé que c’était un vrai film d’auteur, que personne d’autre que Gilles que ne pouvait réaliser une telle œuvre. C’est  d’ailleurs pour cela que je suis heureux de ne pas prendre les décisions seul sur ce que nous produisons ou non.


Comment décidez-vous ?


De façon collégiale : les huit actionnaires ensemble. En revanche, le vote n’a pas besoin d’être unanime, il faut simplement qu’il y ait une majorité de producteurs et que les autres ne soient pas entièrement contres.


Et Palmipedarium, pouvez-vous nous en parler ?

Oui. Il fallait montrer un film de notre cru 2012 (rires) ! J’ai donc choisi Palmipedarium, qui est cette année en compétition à Annecy. Si je l’ai préféré à nos autres productions, c’est parce qu’il est plus court et que je devais m’en tenir à un programme de moins d’une heure. Encore une fois, c’est un vrai film d’auteur, le visuel est particulièrement radical. Pour l’anecdote, quand le film est arrivé au stade de la production, le réalisateur s’est longtemps demandé ce qui l’avait incité à le réaliser en 3D. La technique lui paraissait soudainement trop lourde pour ce qu’il souhaitait proposer. Et je ne parle pas du traitement sonore …

Dans tous les films, l’ambiance sonore semble importante ?

 

Primordiale, même. Selon moi, le son est la véritable 3D du cinéma. L’immersion est liée à l’ambiance sonore qui vous entoure. Elle donne du volume à l’image. Lors du processus de production, il peut arriver que nous ayons une sorte de ras le bol des images, mais le jour du mixage final,  lorsque le son accompagne enfin l’image, c’est toujours un moment magique: le film gagne en puissance et nous le redécouvrons littéralement. C’est pourquoi à Papy3D, nous allouons toujours un poste budgétaire très important au  travail sonore.


Faites-vous appel à des compositeurs, des ensembles d’orchestres ou des musiciens professionnels ?

 

C’est au réalisateur d’en faire le choix.  Une bonne partie des musiques que vous pouvez entendre dans nos films sont composées par Pierre Caillet, l’un des actionnaires de Papy3D, bien que ce ne soit pas une règle. C’est un compositeur de talent, qui sait s’adapter en fonction des univers : Il a notamment mis en musique les films de Franck Dion, ou encore la Femme Squelette.

 

Pour Palmipedarium, Love Patate ou N’Djekoh, en revanche, les réalisateurs ont fait appel à des d’autres compositeurs : François-Eudes Chanfrault, Falter Bramnk et Jérôme Rossi.Chaque réalisateur fait appel au compositeur dont l’univers sonore semble correspondre le mieux à son propre univers.

 

Il n’y a pas de règle précise pour la fabrication des musiques : beaucoup sont composées par ordinateur, auquel cas nous faisons souvent appel à des musiciens pour jouer des partitions spécifiques afin d’obtenir une texture sonore de qualité. Dans le cas d’Edmond était un Âne, nous avons fait appel à un ensemble orchestral, le Quatuor Modigliani, ainsi qu’à une chanteuse lyrique: Sandrine Gianola.


La production du court métrage est-elle un choix artistique ou économique ?


En animation, le choix de faire ou non du court métrage est plutôt artistique. Un court métrage d’animation est loin d’être économique : un budget minimum tourne aux alentours de 80 000 à 100 000 euros pour un court de 6 à 7 minutes. Un court métrage requiert également des subventions, une équipe complète engagée à plein temps…


Comparé au long métrage, quelles qualités, selon toi, présente le format du court métrage pour un réalisateur ?



Le court métrage est un espace de liberté sans égal pour un cinéaste. Il permet des expérimentations impossibles dans les autres formats de  l’image qui ont des contraintes économiques plus fortes. Le court métrage est fort quand il est dense. Pour moi, la mode qui consiste à faire des courts métrages de 45 minutes est un contresens. De façon générale, les personnes à l’origine de ces projets désirent simplement réaliser un long métrage avec un budget de court-métrage. La plupart du temps, les réalisations qui en résultent sont à mon sens trop verbeuses et diluées.


Voulez-vous dire que le court métrage supporte un traitement restreint de la parole ?

 

Non, pas vraiment,  je veux plutôt dire qu’il nécessite une vraie densité : exprimer beaucoup de choses dans un temps réduit, jusqu’à 15 à 20 minutes, avec ou sans paroles.  Beaucoup de gens pensent que l’animation devrait être muette, exclusivement métaphorique. Je ne suis pas d’accord, le verbe a son sens : ajouter une voix off, des dialogues, ça donne aussi du sens à une œuvre.  Il y a également un désir d’être significatif. C ‘est ce que j’aime dans le court: cette densité qu’on prend dans la figure ! Un court fait passer énormément de choses, on a envie de le revoir, pour pouvoir mieux le « ruminer »  (rires) !


Quelles sont les qualités requises pour être un bon producteur ? Y-a-t-il des visions du bon producteur au même titre qu’un réalisateur ?
 

Il y a beaucoup de visions différentes du bon producteur comme du bon réalisateur. Pour moi, un producteur ne doit pas chercher à s’imposer, il doit accompagner les auteurs le mieux possible pour qu’ils puissent s’épanouir et arriver à finaliser leurs œuvres. L’accompagnement se fait aussi bien en amont, dans la réflexion sur leur projet, que pendant la production,  où l’on doit être disponible pour leur assurer un environnement de production confortable. Il y a un travail en aval également, pour soutenir et défendre leurs œuvres.

 

Dans toute production que j’ai pu vivre, les réalisateurs connaissent un moment de déprime, d’incertitude  en court de production, par rapport à ce qu’ils ont pu obtenir jusque là. Ils ont besoin d’en parler. Puis ça repart. Une fois que le film fini, ils sont contents une semaine puis ne peuvent plus le voir en peinture et mettent bien six mois à se réconcilier avec lui. C’est donc à la production de le porter pendant ce temps, de faire en sorte qu’il soit vu.

 

En France, globalement, je trouve que la plupart des producteurs essayent de bien porter leurs auteurs.


Pourquoi avez-vous accepté l’invitation de Croq’Anime ?

 

J’essaye d’accepter autant que possible toutes les invitations. J’estime que c’est le minimum du respect  que de répondre aux demandes des personnes qui se donnent du mal pour organiser des évènements mettant en valeur l’animation. Ils jouent un rôle important dans la diffusion des films. 

 

Je ne cherche pas à me mettre en avant par rapport à Papy3D. Je préfère qu’on parle des auteurs plutôt que de ma personne... Si j’ai accepté de faire une sélection pour la projection Croq’La Belle, c’est parce que j’ai pensé qu’on y arriverait jamais à huit !


Papy3D a été fondé par un collectif de réalisateur. Cela implique une certaine spécificité car les réalisateurs sont  aussi auteurs exécutifs. Quels en sont les avantages ?


J’ignore si cela est si spécifique. Nous, nous l’affichons mais peut-être que d’autres le font aussi. Globalement, chez Papy 3D, un réalisateur décide de tout en terme de production : Avec qui il travaille, à quel endroit et dans quelles conditions. On discute aussi ensemble des postes budgétaires. Le réalisateur accompagne vraiment le film de bout en bout : Il choisit son compositeur, son ingénieur du son …


Sa liberté artistique est préservée, il utilise les moyens de production de manière complètement libre. La seule condition étant que le budget prévu soit respecté. Chez nous, les réalisateurs connaissent le budget de leur film et savent combien leurs collaborateurs sont rémunérés. Ce n’est pas forcément le cas dans toutes les productions.


Pourquoi cette méthode ne se généralise-t-elle pas ?

 

Parce que ce n’est pas aussi évident que ça semble l’être. Certains réalisateurs ne veulent pas endosser cette responsabilité. Ils veulent se concentrer sur leur film sans s’occuper du reste. D’autres n’arrivent pas à gérer ces différents rôles: ils ne savent pas être raisonnables et ont donc besoin d’être réellement entourés.   En tant que société de production, nous avons des engagement de finir les films auprès des institutions qui nous financent. Si un réalisateur n’a pas terminé son film alors que le budget est épuisé,  cela peut nous mettre dans une situation très désagréable. En cela, notre modèle n’est pas valable pour tout le monde : c’est une démarche qui doit être volontaire.


Est-ce une façon de responsabilité l’auteur ?


Oui, ou du moins cela peut aider ceux qui veulent le devenir. Pour les autres, ce n’est pas pour rien qu’il existe plusieurs sociétés de production …


Quel rôle joue le CNC dans la production de l’animation ?

 

Le CNC apporte une contribution financière importante : il participe à hauteur de 50% à 70% du financement d’un  court-métrage, le reste étant financé par les régions, les pré-achats  des chaines de télévision ou d’autres aides comme la  Procirep. Le court-métrage a une carrière commerciale très restreinte : Généralement, les ventes réalisées représentent à peine 10% dubudget qu’on lui a consacré. Il est donc très hasardeux de compter sur elles pour rentrer dansses frais.


On observe une tendance à l’internationalisation dans le domaine de la production animée, voire dans la production cinématographique en général. De quel œil voyez-vous, à Papy3D, ce phénomène ?



Jusqu’à l’année dernière, j’aurais pu dire que j’étais dubitatif. Il s’avère qu’on a fait une coproduction avec l’ONF (Canada) pour le film Edmond était un âne .Tout le travail sonore a été fait là bas. Budgétairement parlant, ça n’était pas forcément nécessaire mais on s‘est dit que c’était une belle expérience que d’aller au Canada travailler avec eux. Ca a été un succès et on pense d’ailleurs le refaire pour un de nos futurs projets. S’agissant d’un court-métrage, travailler en coproduction est difficile: Un auteur doit maitriser à fond les choses car la réalisation se fait sur 2 ou 3 sites distincts. La plupart du temps c’est une vraie galère ! On ne cherche pas forcément à encourager cela.

 

Même si au début, je n’étais  pas forcément convaincu, d’autant plus que la contractualisation a été assez compliquée, l’ONF nous a apporté un vrai plus au niveau de la visibilité et de la distribution. Par ailleurs, ça a été une très belle expérience humaine, particulièrement pour Franck et Pierre, mais aussi pour moi.  Et pourtant, en animation, il est dur de travailler avec de nouvelles personnes.  Quand on se rend compte qu’une personne ne fait pas l’affaire, l’argent est déjà sur la table et on est généralement obligé d’aller jusqu’au bout avec elle.

La France est le premier producteur d’animation en Europe et le troisième au niveau mondial (source CNC). Au regard de votre expérience, comment définiriez-vous cette production ? La quantité empiète-t-elle sur la qualité ?



En terme de volume, c’est grâce aux séries télévisées qu’on est le troisième producteur, or celles-ci ne sont pas extraordinaires.  Pour le court métrage c’est différent, il y beaucoup de produits et la qualité est souvent au rendez-vous. D’un point de vue cinématographique,  cela tient au fait que les réseaux de financement sont élaborés.  Au festival d’Annecy, la France est d’ailleurs très représentée dans cette catégorie.


Comment expliquez-vous cette qualité ?

 

Tout d’abord, Il y a une réelle possibilité de  produire correctement des courts en France. Les financements et les aides permettent d’entretenir un écosystème d’animateurs, d’artisans, de techniciens talentueux. En plus de cela, il y a un réseau important d’écoles, permettant de pérenniser cette volonté d’avoir une production d’auteurs sur les courts. A contrario, aux EtatsUnis par exemple, malgré la puissance commerciale d’Hollywood, c’est encore très difficile de monter du  court métrage d’animation. Il faut postuler à des bourses de certains organismes, souvent dures à obtenir, et le plus souvent réaliser son film dans son temps libre.

 

Le système français est assez exceptionnel, dans le bon sens.


Papy3D fait partie du collectif des producteurs de courts-métrages d’animation, crée en 2007 à Annecy et qui regroupe la quasi-totalité des producteurs français de ce secteur. Depuis sa création,  le Collectif a permis entre autre une réévaluation des montants d'aide du CNC et la nomination d'un expert au sein des commissions de CNC. Qui fut à l’initiative de ce collectif et pourquoi ?

 

A l’origine, à ma connaissance, ce collectif a été vraiment initié par Arnaud Demuynck des Films du Nord, très militant et très actif.  Nous l’avons directement intégré parce que ça nous paraissait aller de soi. Si on fait une société de production, c’est pour être de véritables acteurs de ce système.  Nous voulions faire partie des discussions et l’action de ce collectif a été positive en ce sens. Globalement, cela a aussi permis d’établir  plus de dialogue entre les producteurs. 

 

Au-delà de l’aspect militant, cela nous a aussi permis d’élargir  nos listes de contacts respectives. Quand on ne connait pas les autres, on peut facilement leur plaquer des clichés sur le dos mais une fois le dialogue engagé, on s’ouvre, on comprend que chacun a sa manière de travailler et qu’on doit la respecter. On apprend à relativiser. Ca a été assez formateur pour moi.


Quels sont vos projets futurs, à Papy 3D Productions ?

 

Nous avons deux projets dont nous commençons la production en fin d’année. Un projet mené par Sarah Van Den Boom et le premier projet d’une réalisatrice, Phuong Mai Nguyen, qui n’est pas une fondatrice. Elle a fait l‘école de la Poudrière. C’est là qu’elle a rencontré Jeremy. Ce dernier nous a présenté son projet, il nous a plu et  nous avons donc  proposé de le produire. 

 

Ca a été un peu une violence pour nous, nous avons du nous adapter : jusqu’ici  nous avions surtout travaillé avec des réalisateurs expérimentés, surs de ce qu’ils voulaient. Dans ce cas précis, le projet de cette jeune réalisatrice nous semblait perfectible. On s’est retrouvé dans une situation un peu inconfortable car on ne voulait pas  non plus la pousser à faire un film qui ne correspondrait  pas  à sa vision.  Mai a beaucoup travaillé avec une scénariste, Patricia  Valeix, pour peaufiner son scénario et la dernière version semble avoir mis tout le monde d’accord. Le projet vient d’obtenir l’aide du CNC et le prix  Rhone-Alpes au concours de projets du festival d’Annecy, il semble donc sur de bons rails.

 

Je  ne parlerai pas trop du film de ma femme pour ne pas déflorer la surprise (rires) ! Je dirai juste que c’est un projet assez réaliste. Sarah a voulu faire appel à des gens qui donnent chacun leur opinion sur un sujet commun.  A la base,  elle était partie sur une idée de documentaire animé. Finalement, c’est plutôt un film de fiction qui se base sur une recherche documentaire.  

 

Nous avons eu beaucoup de mal à  faire accepter le projet par les institutions  financières car elles le trouvaient trop réaliste, pas assez métaphorique,  pas assez linéaire.  Il nous a  été demandé pourquoi la réalisatrice le faisait en animation, par exemple ! L’idée qu’une réalisatrice d’animation puisse se sentir plus à l’aise avec ce médium plutôt que de diriger des acteurs ne semble pas toujours faire mouche dans ces commissions.

 

Il reste encore beaucoup de réticence dans la communauté du cinéma de fiction à admettre que l’animation est une forme de cinéma et qu’elle peut servir à traiter tous les sujets, au même titre que la prise de vue réelle.

 

Comment as-tu connu Croq’Anime ?


J’ai rencontré  Sylvie aux Apéros Animés qui se déroulent tous les premiers mercredis du mois. Les passionné d’animation s’y rencontrent et discutent : amateurs, réalisateurs, producteurs. On avait envie de mettre en place un moment informel et convivial où les gens puissent se retrouver librement. Les apéros se déroulent toujours au même endroit : au bar Le Haut Paris, rue des Envierges dans le 19ème, métro Pyrénées. C’est le premier mercredi de chaque mois. A partir de 19h30 et jusqu’à minuit et demi en moyenne.


Un message pour l’équipe de Croq’Anime ?

 

J’ai beaucoup de respect pour les gens qui font les choses par passion. Je sais que ça demande beaucoup d’énergie sur la durée. Il est facile d’organiser un événement de temps en temps mais tenir un projet année après année, c’est un investissement considérable et parfois amer, avec ses hauts et ses bas. Les gens qui ont la volonté de porter ces projets sur la durée ont beaucoup de mérite. Il n’y a pas beaucoup d’initiative d’animation à Paris même. Je souhaite que  celleci marche bien et j’espère qu’elle deviendra un jour un rendez-vous incontournable sur la place parisienne.


Un court métrage que vous souhaiteriez partager ?


Il y a ce film dont je vous parlais, L’homme qui plantait des arbres même s'il n’est pas forcément l’œuvre la plus représentative de mes attentes en termes d’animation. Je citerais davantage le court métrage de Youri Norstein qui illustre un haïku dans le cadre du long métrage Jours d’Hiver et met en scène un petit moine qui court dans la nature. J’en garde un incroyable souvenir de jubilation (rires) !


Ce petit film, avec cette animation très délicate et tout le charme qui se dégage de cette nature, de ce petit moine qui court dans les feuilles mortes. J’aime ce type d’animation dont il émane une personnalité incontestable et touchante, sans être m’as-tu-vu et une belle poésie. Il ne fait pas appel à des ficelles, c’est frais, court et spontané. Il arrive à suggérer cette impression de nature en un temps très bref. Je trouve ça fort ! J’adore Youri Norstein, chez lui, il y a une subtilité dans ce qu’exprime l’animation : dans ses personnages, dans sa vision du monde.

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