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Compte-rendu de la conférence Grandeur et servitude de la fabrication 

 13 juin 2013 | Alexis Rosier

Mardi matin, s’est tenue la conférence intitulée « Grandeur et servitude de la fabrication », réunissant à l'occasion plusieurs personnalités très actives dans le microcosme que représente la production de films animés. Armée de son redoutable dictaphone, Marie de la Croq’Team y a assisté et en a enregistré les moindres détails afin que nous puissions en faire un rapide compte-rendu. 

Introduite et animée par René Broca, en charge depuis 2005 de la conception du cycle des conférences professionnelles d’Annecy, la conférence avait pour toile de fond les problématiques inhérentes au développement et au soutien de la production animée en France, dans un contexte d’internationalisation croissante de cette activité. De fait, les producteurs français sont soumis à une concurrence intense de certains pays émergents où le coût des moyens de production et des salaires sont souvent moins élevés. A cela vient s’ajouter, d'une part, le risque d’une libéralisation du commerce des produits culturels, jusqu’ici plus ou moins protégés économiquement par l’union européenne

Et, d'autre part, la menace d’une déterritorialisation des aides.  Il est donc bon de mettre en avant leur savoir-faire dans ce domaine afin de comprendre les difficultés qu’ils peuvent rencontrer lors du lancement, de l’accompagnement et de la finalisation d’un projet ainsi que la maitrise technique, artistique et organisationnel que cela implique.

Eric Jacquot et Armelle Glorennec: retour sur Les Mystérieuses Cité d’Or 2



Eric Jacquot, PDG de Blue spirit productions et Armelle Glorennec, productrice sont tous deux à l’initiative de la saison 2 de l'un des dessins animés les plus cultes des 80 : Les Mystérieuses Cités d’Or. Réalisée par Jean Luc François, elle est aujourd’hui en cours de diffusion sur TF1. Deux nouvelles saisons ont été commandées après les succès d’audience rencontrés par ces mystérieuses cités remises au goût du jour. Ils reviennent de manière très précise sur les 28 mois qui ont vu aboutir cette suite tant attendue.



Doté d’un budget de 7 millions d’euros, ce projet transnational (France, Belgique, Chine) a été porté par une équipe de plus de 100 personnes jusqu’à sa conclusion début 2013 : 26 épisodes de 23 minutes ont été réalisés. Ce fut un véritable challenge car il était nécessaire de préserver l’esprit et l’identité graphique de la série.



Pour assurer cette continuité, toute l’animation a été faite en 3D avec un rendu final en 2D. En effet, la série a été adaptée à la structure de la boite de production Blues Spirit spécialisée dans l’animation 3D. Afin de rentrer dans le budget tout en respectant les délais, plusieurs processus ont été engagés: tout d’abord, Armelle explique que 20% de la production a été faite en Chine, surtout pour les décors et le lay-out 2D, après une pré-modélisation 3D faite par les studios Français et Belges. Cette technique permet d’éviter la « triche » au niveau des perspectives, celles-ci pouvant s’avérer problématiques dans la suite du processus.



Les Mystérieuses Cité d’Or 2 mettent en scène plus de 300 personnages différents au travers d’épisodes feuilletonnants, un format particulier qui nécessite un temps d’adaptation. Si les principaux personnages ont fait l’objet d’une modélisation très précise nécessitant plus de 50 jours pour Mendosa par exemple, leurs gabarits ont ensuite servi de modèles pour les personnages moins importants. Cela simplifie considérablement la tâche des graphistes qui n’ont qu’à les décliner sous d’autres apparences.  Ainsi, la moitié d’entre eux sont des clones calqués sur un des quatre modèles définis. Il faut également souligner le grand nombre d’accessoires créés pour meubler l’univers du dessin-animé. Grâce à un système appelé le « photomaton », les personnages sont pris sous toutes leurs coutures avant d’être validés par le réalisateur. Armelle et Pierre aimeraient que cette technique se généralise afin de créer une base de données d’accessoires communes à plusieurs séries.

De plus, Esteban, Zia et Tao, les trois personnages principaux, sont nomades: ils voyagent dans différentes parties de la Chine en quête de ces fameuses Cités. Il a donc été décidé de répartir l’action de la série dans 9 lieux distincts afin de rationaliser aussi bien le déroulement de l’histoire que le travail des décorateurs et des animateurs. Plusieurs modules ont été  développés de façon à optimiser à la fois l’activité de storyboarding et l’utilisation de gros logiciels comme Toon boum ou 3D S Max : Grâce à plusieurs interfaces, il a été par exemple possible de créer rapidement une caméra dans un décor 3D, de modifier plus aisément les paramètres de focal ou encore d’adapter directement un personnage à un décor en suivant les perspectives définies. Les animateurs parvenaient ainsi à obtenir chacun une productivité s’élevant à 9 secondes de dessin-animé par jour, sans laquelle les délais auraient été largement dépassés.



A ces améliorations purement techniques vient se greffer le logiciel « Simone », qui a permis à Armelle et Pierre de suivre l’avancement de la production de manière claire et détaillée. « Simone » permet en effet d’assurer la remontée de toutes les informations utiles au producteur à travers l’analyse d’un flux conséquent de données. Par ailleurs, il facilite grandement la gestion des différents médias ou encore des salaires des opérateurs.



Tous ces perfectionnements  ont été des étapes nécessaires à l’accouchement de la suite des mystérieuses Cités d’Or. Elles mettent en évidence l’effort constant fait par la production pour respecter le budget et les délais imposés. Si certains outils sont encore en développement, les deux producteurs de Blue Spirit production espèrent que les prochaines saisons de la série pourront pleinement en profiter.



Alexandre Bretheau  et Pierrot Jacquet de chez Cube Creative: L’Aventure Kaeloo



Les deux intervenants suivants font partie de Cube Creative. Alexandre Bretheau  et Pierrot Jacquet supervisent ensemble la plupart des productions  de la boite au premier rang desquelles la série Kaeloo, créées par Rémi Chapotot et Jean-François Henry. Cette série d’animation particulièrement amusante met en scène une joyeuse bande d’animaux débordant d’imagination pour mettre au point de nouveaux jeux pas très sérieux    Chaque saison se compose de 52 épisodes de 7 minutes, un format court et efficace quand il s’agit de rire un bon coup ! Les deux producteurs nous éclairent sur leur méthode de travail, au regard de la structure et du mode de fonctionnement qu’ils ont mis en place pour produire la saison 2. Celui-ci semble s’être montrée particulièrement efficace puisque l’équipe de Cube Creative a même trouvé le temps de réaliser le trailer du festival d’Annecy . Chaque séance est ainsi ponctuée par la bonne humeur contagieuse d’une grenouille, d’un écureuil, d’un chat et d’un canard, ajoutant encore un peu de piment au menu gastronomiquement animé de la semaine !



 

Jusqu’ici, Kaeloo est le projet le plus dense finalisé par Cube Creative. A terme, le studio aimerait produire des longs-métrages. Kaeloo constitue donc un tremplin idéal pour réussir dans cette entreprise. De fait, cette série a été l’occasion pour les équipes de Cube de structurer quelque chose de plus « gros », dans le sens où elle implique l’élaboration d’un nombre considérable de plans animés. Si la saison 1 a été coproduite avec le studio Blue Spirit Production, qui avait pris en charge une grande partie du projet, la saison 2 a été entièrement élaborée par Cube Creative. La production a donc mis en place un grand nombre d’outils permettant de rationaliser au maximum le travail.  A grand renfort de détails techniques, Alexandre et Pierrot ont expliqué en quoi ces derniers consistaient.

La phase de pré-production a fait l‘objet d’un soin particulier, de façon à simplifier les tâches en aval. Tout d’abord, un pipeline appelé « Tube », c’est-à-dire une plateforme de gestion des ressources numériques, a été spécialement conçu pour les besoins de Kaeloo. Son but ultime a été de parvenir à une certaine automatisation du travail des graphistes, dont le suivi s’est fait de manière personnalisée. Par l’intermédiaire de « tube », ils peuvent ainsi reproduire aisément les nomenclatures et les arborescences nécessaires à l’animation de la série. La création comme l’utilisation des 1700 assets (personnages, décors, crops) est beaucoup plus intuitive. A cette dimension technologique s’ajoute les facilités managériales permises par ce pipe. Chaque animateur sait exactement ce qu’il lui reste à faire au quotidien, ils peuvent sauvegarder leur travail à plusieurs niveaux et soumettre directement leur avancement au superviseur pour qu’ils le valident ou qu’ils soulignent les points à améliorer. Le suivi se fait également au niveau de chaque épisode, classé dans un ordre de priorité. Cette grande automatisation assure un gain de temps précieux à la production en permettant une communication très efficace entre les équipes. De même, la séparation des tâches est clairement définie afin de réduire au maximum les imperfections.


La deuxième singularité de la production de Kaeloo réside dans l’importance majeure du son et des dialogues. Ce sont eux qui donnent naissance à l’image et non l’inverse ! L’enregistrement des voix se fait directement après l’aboutissement du scénario d’un épisode. Les comédiens disposent donc d’une grande marge de manœuvre pour donner vie à ces personnages comiques en leur imprimant une identité propre.  L’acting de l’animation est calé sur le jeu de l’acteur.


Par ailleurs, les storyboarders de la série en sont également les monteurs : à l’oreille, ils sont capables de retranscrire le rythme suivi par chaque épisode. Les animatiques qui en découlent (vidéo faite à partir des croquis du storyboard, synchronisée sur la bande de dialogues) s’avèrent particulièrement utiles pour les animateurs car ils peuvent se faire une idée très précise du déroulement de l’action.


Tous ces élément mis bout à bout permettent de comprendre la réussite d’un projet aussi ambitieux que Kaeloo, un cartoon au rythme effréné et à l'humour ravageur, qui accomplit la prouesse d'amuser petits et grands. La saison 2 des aventures de la petite grenouille accompagnée de ses amis toujours plus nombreux et loufoques sera diffusée prochainement sur Canal +.

 

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