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​Jeudi 13 Juin au festival d’Annecy, dans le cadre de la conférence sur le documentaire animé, la réalisatrice Amélie Harrault, le producteur Olivier Catherin et Yan Volcy, réalisateur sonore, sont revenus sur le film Mademoiselle Kiki et les Montparnos.

 

Ce superbe court métrage combine de multiples techniques graphiques visant à  mettre en scène a vie flamboyante de Kiki de Montparnasse: Reine de la nuit, muse, peintre, chanteuse de cabaret, elle reste le symbole incontournable des Années Folles.

 

Aiguillés par les questions de Morad Kertobi, responsable des courts métrages au CNC, ils apportent un éclairage personnel et enrichissant à ce projet de longue haleine. 

 

 

 

 

D’où vient Mademoiselle Kiki et les Montparnos ?

 

Olivier Catherin: Initialement, il s’agissait du projet de fin d’étude d’Amélie, lorsqu’elle étudiait à l’EMCA d’Angoulême. Elle l’avait conçu pour le présenter à un jury. Le mois d’avril qui a suivi, nous avons créé les 3 Ours avec Serge Ellisalde qui  était également enseignant à l’EMCA.  Il a demandé à Amélie de passer aux 3 Ours avec son projet et on en est tout de suite tombé amoureux.. La Production a été lancée en septembre 2009 donc ça a mis un certain temps.

 

Amélie, quand tu as lancé kiki et les Montparnos, avais-tu envie d’en faire un documentaire?

                                                                                       

Amélie Harrault: Il y avait effectivement cette volonté mais je n’avais pas assez d’images d’archive à ma disposition et ça me contraignait dans un type de fidélité. On a gardé cette intention même si, au final, il s’agit plus d’une réinterprétation de sa vie que d’un vrai documentaire. Je voulais quand même garder une trace véridique et de fait, la voix-off reprend quelques extraits du journal de Kiki. Bien sûr, il y a eu des réécritures pour que l’histoire soit adaptée au format du court métrage. On a également gardé une chanson et des photos de Kiki car je voulais qu’on la voit physiquement dans le film.

 

Donc au niveau de l’écriture scénaristique, tout est vrai dans les grandes lignes ?

 

A. H. : Tout est vrai dans les grandes lignes. Après, je me suis permis quelques « recontextualisations ». Quand Kiki fait pipi dans La Coupole par exemple, je ne sais pas si c’est à ce moment précis de sa vie mais je voulais mettre en avant cet esprit rebelle et briseur de codes. J’ai donc essayé de faire passer cette idée dans une petite scénette sans aller trop loin pour autant. Parler de la vie d’une femme en 14 minutes c’était forcément compliqué ! J’ai donc essayé de l’illustrer au mieux par l’intermédiaire de petites scènes éloquentes et efficaces. Malheureusement, on est obligé de faire le deuil de beaucoup d’éléments intéressants..

 

Justement, qu’est ce qui t’intéressait dans ce personnage ?

 

A. H. : Plein de choses ! Sa personnalité, son courage d’abord : le fait qu’elle arrive à rencontrer des artistes intellectuels alors qu’elle a grandi dans un milieu très pauvre et peu éduqué, son ascension sociale et artistique. Modèle puis chanteuse, elle devient rapidement une femme reconnue et admirée : même Piaf avait peur d’elle dans les années 20 25 ! Et puis j’aime aussi le regard que Kiki porte sur les artistes, le fait qu’elle les regarde comme des êtres humains. J’avais envie de réinsuffler tout ça dans mon film, de désacraliser l’image qu’on pouvait avoir d’elle.

 

Les historiens ont-ils fait des remarques quant à l’exactitude des faits retracés dans Mlle Kiki et les Montparnos ?

 

A. H. : Et bien j’ai été récemment en contact avec Dan Franck, l’auteur de Bohèmes, érudit de toute cette période. Je n’ai pas eu ce type de retour. Au contraire, ça leur a plu parce que le film apporte un regard neuf.

 

Le fait qu’il s’agisse un film d’animation les a surpris ? Ont-ils trouvé cette technique plus adéquate que de faire appel à une actrice pour jouer le rôle de Kiki ?

 

A. H. : Oui dans le sens où, pour eux ; c’est une manière de voir le documentaire différemment : On va au-delà des images d’archive. L’animation permet de combler des vides. Ainsi, il n’existe plus de traces de certains artistes des années 1910-1915 donc c’était aussi  une façon surprenante d’aller plus loin que 3 photographies.

 

Comment définirais-tu ton film ?

 

A. H. : Je ne le présente pas comme un docu fiction car il n’est pas assez fidèle aux faits. Ce film garde une grande liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Olivier, tu te rappelles de l’arrivée du dossier au CNC ?

 

O. C. : C’était il y a longtemps maintenant ! Cette notion d’étiquette de genre n’a pas du tout été abordée dans les débats en commission. Ce qui a plu dans ce projet, c’est sa richesse visuel, sa composition graphique. Il y a eu ensuite des discussions autour de l’écriture du scénaristique et de la mise en scène.

Je me souviens surtout des débats concernant le déroulement de l’action d’un point de vue réel, en l’occurrence, celui sur un personnage qui a vraiment existé. Pourquoi s’intéresser à Kiki ? Comment mettre en valeur le regard d’Amélie sur le personnage et quelle mise en scène pour l’appliquer ? On peut choisir un moment particulier de sa vie et l’approfondir par exemple.

 

Amélie, comment le scénario a-t-il été écrit pour ce court métrage ? Y avait-il plusieurs versions ?

 

A.H. : Il n’y a pas eu beaucoup de versions : Seulement 2 au départ. Par la suite, celle qui a été retenue a évolué tout au long de la fabrication. Kiki a réécrit son journal et elle a comblé les trous dans les années 30 et 40. Je voulais respecter son choix. En effet, elle parle beaucoup de son enfance et de sa vie jusque dans les années 45, une période où elle est en perte de vitesse. C’est à ce moment-là que je me suis imposée le respect d’une trace.

 

Dans le film, il semble que la première partie soit beaucoup plus documentée, on sent que tu as eu plus de mal à parler de la chute, traitée par le biais de la peinture animée : on est plus dans le ressenti que dans le factuel..

 

A. H. : C’était volontaire parce que des années 35 à 45, elle raconte des évènements qui me semblent moins significatifs car ils sont plus de l’ordre de  l’intime. J’ai préféré l’évoquer plutôt que d’en faire un véritable récit.

 

O. C. : Il me semble que le parcours général de cette femme était intéressant à traiter, plus qu’un moment de sa vie en particulier. Elle a eu un destin extraordinaire : Partie de rien, devenue artiste par le biais de son statut de modèle.. Elle s’élève mais effectivement, à un moment elle se perd. C’était important d’avoir tous les éléments pour retracer le parcours de cette femme emblématique du début du siècle.

 

D’ailleurs, si je me souviens bien, la deuxième partie de sa vie était abordée de façon beaucoup plus détaillée dans le scénario présenté initialement au CNC.

 

Que s’est-il passé entre temps ?

 

A. H. : Les choses ont évolué et il est arrivé un moment où je me suis moi-même demandé s’il y avait un réel intérêt à la raconter de manière aussi détaillée. Je sentais que j’allais m’embourber quelque part et il m’a fallu trouver un autre biais pour la mettre en image. L’évocation m’a semblé plus simple, sans tomber dans un travers trop anecdotique.

 

O. C. : Il y a une énergie au début du film, sa vie est trépidante. Dans la deuxième partie on était plus sur une espèce de déprime. Traiter ce passage en image s’est avéré compliqué mais on a fini par trouver la solution !

 

Entre le début du projet, alors qu’Amélie était encore à l’EMCA et la fin de la réalisation, combien de temps s’est écoulé ?

 

A. H. : 5 ans à peu près, ça a été assez  long !  (rires)  En fait à l’EMCA j’avais juste cette idée que j’ai commencé à développer avec un choix graphique particulier, ensuite on a commencé l’écriture, monté les dossiers etc.. Le projet a muri deux ans avant d’être véritablement lancé.

 

En tant que réalisatrice, comment garde-t-on l’énergie pour faire ce qu’on prévoyait de faire dès le début, est-ce dur de s’adapter aux changements qu’on est contraint d’ intégrer ?

 

A. H. : Dès le départ, mon intention d’utiliser différents types de représentations graphiques était synonyme de faire plusieurs courts métrages en un seul. A chaque étape, on repartait à 0. C’est assez éprouvant mais en même temps c’est à chaque fois quelque chose de neuf qui se remet en place. Ca m’a permis de ne pas m’enfermer dans un projet trop « rigide ». Au contraire, j’ai pu le nourrir de nouveaux éléments tout au long de sa réalisation.

 

Olivier, au vu de la diversité des techniques d’animation employées dans le film et du nombre important de compétences et de techniciens que celles-ci impliquent, est-ce qu’on ne réfléchit pas à deux fois avant de travailler avec quelqu’un qui ne les maitrise pas forcément toutes ?

 

O. C. : Sur cet aspect là, j’ai fait toute confiance à Serge qui avait eu Amélie comme élève. A partir du moment ou Serge me disait « oui oui ne t’inquiète pas: elle va y arriver » je ne m’y suis pas opposé! Et d’ailleurs, il a eu raison !

J’ai eu des moments de doute sur des choix a certains moment, mais je n’ai jamais douté du fait qu’Amélie mène à bien le projet. Il a parfois fallu lui laisser un peu de temps.

 

Et toi Amélie, comment as-tu dépassé ces doutes ?

 

A. H. : J’ai eu quelques moment difficiles, ma plus grand angoisse était de penser que le résultat ne serait jamais au rendez-vous. Mes doutes étaient récurrents mais Olivier et Serge ont fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension. Ce dernier m’a apporté un vrai soutien technique qui m’a énormément débloqué.

 

O. C. : elle a eu plus de doutes que moi en faite ! (rires)

 

Ça arrive souvent vis à vis des auteurs Olivier ?

 

O. C. : Je crois que c’est le rôle du producteur d’accompagner et de soutenir les auteurs pour leur redonner de l’énergie, quand bien même il peut avoir des doutes lui-même !

 

Pourquoi cette envie de faire appel à tant de techniques différentes dans l’animation de Mlle Kiki ? Etait-ce pour rendre compte des multiples aspects de sa vie virevoltante ?

 

A. H. : J’ai trouvé que l’animation était un bon prétexte pour proposer un regard différent. Les techniques me permettaient de raconter autre chose que la narration en voix off. C’était un jeu de clin d’œil : Montrer à la fois comment Kiki perçoit les artistes et comment ils la perçoivent eux-mêmes. Je trouvais qu’il était intéressant d’adapter les techniques à l’évolution de sa vie, avec à l’intérieur une multitude de clins d’œil aux peintres par exemple. Les techniques viennent illustrer la maturité que gagne Kiki au fil du court métrage.

 

En parlant de peintres, plusieurs d’entre eux sont représentés dans le film : on peut apercevoir leur portrait et certaines de leurs peintures. Le fait de conserver leur style était une évidence ?

 

A. H. : Oui c’était évident que je voulais reproduire leur style. Après je ne savais pas si j’en étais capable et si la chose serait bien perçue à l’arrivé.. Ce type de rapport est compliqué, je ne voulais surtout pas tomber dans quelque chose de prétentieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Questions à Yan Volsy, réalisateur sonore de Mlle Kiki :

 

A quel moment es-tu arrivé dans l’équipe ?

 

Yan Volsy: Je suis arrivé 2 ans avant la sortie du film, c’est tôt ! Généralement le son n’est mis en place qu’à la toute fin d’un projet. J’ai insisté pour être impliqué assez rapidement pour anticiper les problèmes.

 

Y a t-il des moment où tu as du imposer ton avis vis à vis des idées de la réalisatrice ?

 

Y. V. : Non je crois qu’Amélie était justement très en demande de collaboration et d’échange. Elle a su créer les conditions de cet échange, y compris entre Olivier et moi, on a pu travailler en équipe pour harmoniser au maximum le rendu sonore.

 

Comment s’établit le dialogue entre les gens du son et ceux de l’image ?

 

Y. V. : On a un vocabulaire assez commun en fait ! Pour la petite anecdote, j’avais proposé à Amélie d’injecter des son de cartoon américain qui s’inspirent beaucoup de la scène française de cabaret et d’opérette de cette époque. On a essayé mais ça n’a pas marché du tout. Comme quoi c’est aussi en faisant des erreurs qu’on avance. De la même façon, on a bruité toute la première séquence avec des bouts de papier en se disant que ça s ‘avérerait surement catastrophique : au final le rendu était super. En ça, ouvrir le dialogue assez tôt est très important car on peut tenter plusieurs expériences avant de trouver la bonne.

 

Olivier, ce projet a demandé beaucoup de temps, comment as-tu géré ça en tant que producteur, soumis à des impératifs financiers ainsi qu’à des délais ?

 

O. C. : C’est un aspect un peu compliqué à gérer pour plusieurs raisons : Il y a l’aspect financier bien sûr. Il fallait bien qu’Amélie arrive à vivre donc on lui a proposé de travailler sur d’autres films, histoire qu’elle se change un peu les idées. Il y aussi l’aspect temporel effectivement : Si on dépasse trop les délais, les chaines, le CNC, le conseil régional nous tombent dessus ! j’avais imaginé un peu naïvement qu’on pourrait sortir le film au moment du festival de Cannes de l’année dernière et en fait pas du tout ! Il faut laisser du temps mais il faut aussi que les choses avancent afin que le calendrier n’en pâtisse pas trop. Dans le cas de Kiki, on a compris qu’Amélie avait besoin de prendre un recul sur son court métrage, on lui a laissé le temps de la réflexion et finalement, le résultat est au rendez-vous !

 

 

 

 

17 Juin 2013 | Paul Bourel

Conférence sur Mademoiselle Kiki et les Montparnos

Y a t il eu des problèmes au niveau des  droits ?

 

O. C. : Non pas pour les tableaux mais on voulait utiliser des photos de Man Ray qu’on a du virer au final. Amélie m’avait transmis une longue liste de photos, mais l’utilisation d’une seul d’entre elles coute 500 euros, donc Amélie a du revoir ses choix à la baisse ( rires)

 

Autres éléments importants du film : La voix off et Les dialogues. Comment ont-ils été écrits ? Ça a représenté un travail conséquent ?

 

A. H. : C’est moi qui les ai écrit avec l’aide mon copain et de Serge Ellissade. On avait une première base pour que les animateurs travaillent dessus. Ensuite Yann Volsy m’a beaucoup aidé pour redonner de la finesse au son et du sens aux dialogues.

 

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