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Entrevue avec Stéphane Dreyfus, journaliste à La Croix

 06 août 2013 | Bérénice Dormann

Stéphane Dreyfus est journaliste culturoweb à La CroixAmateur et connaisseur de cinéma, avec un penchant particulier pour l'animation, il nous narre son point de vue journalistique ainsi que ses prévisions pour l'avenir...

 

 

Cette interview a été l'occasion de discuter de son parcours, son rapport au cinéma, sa visite à Annecy, l'évolution d'internet, ses idées pour contrer les clichés liés aux courts métrages d'animation, le tout dans les grands locaux de La Croix.

 

 

 

Bonne lecture !

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous vous définissez comme un journaliste « culturoweb », qu’est-ce que c’est précisément ? Cela englobe-t-il la rubrique nouvelles technologies, cinéma, musique, théâtre, idées cuisine, voyages et autres ?

 

Oui, c’est un peu tout. Je suis un journaliste web à l’origine. Depuis 6 ans je collabore régulièrement avec le service culture et la rubrique cinéma, qui est à la charge d’Arnaud Schwartz. Je suis 100% dédié à la culture pour produire des articles multimédias qui touchent à tous les champs de ce service pour le site puisque le journal est passé en bi-média depuis 1 an, ce qui veut dire que tous les journalistes sont amenés à travailler sur les deux supports. De façon un peu plus ambitieuse, je créé des vidéos et des choses « un peu plus web » que de simples articles. C’est assez fastidieux. Pour résumé, je m’occupe de la culture en général et plus particulièrement dans la rubrique nouvelles technologies, c’est-à-dire le numérique qui touche à la culture comme le cinéma. J’aime beaucoup le cinéma d’animation, depuis toujours alors je me suis spécialisé là-dedans en allant à Annecy tous les ans et en essayant de voir ce qui sort au cinéma, en long métrage.

 

Quelles études, quel parcours avez-vous fait pour accéder à ce poste ?

 

J’ai fait de longues études d’histoire, je suis allé jusqu’à la maitrise. J’ai commencé un DEA, que je n’ai pas terminé. J’ai fait une maitrise science politique et j’ai enchainé par deux années Sciences Po, à Paris. Je n’ai pas fait d’école de journalisme parce que j’avais déjà fait de longues études. Je savais ce que je voulais faire : de la presse écrite ou internet. J’ai commencé au Monde.fr il y a 12 ans. C’était enrichissant car ça m’a apprit à voir tout le potentiel du web à une époque où les sites internet n’étaient pas très ambitieux.

 

Vous faites des critiques aussi bien sur des bandes dessinées telles que Blacksad que sur des films Kirikou et les hommes et les femmes, avez-vous une préférence de support et pourquoi ?

 

Pour la bande dessinée, on a une rubrique « art », c’est-à-dire une personne qui reçoit toutes les bandes dessinées, ce qui n’est pas mon cas. Je suis tout de même ce support parce que je l’apprécie beaucoup et parce que j’ai des amis qui me donnent de bons conseils. Cependant, il m’arrive parfois de faire des articles uniquement pour le web, très rarement pour le papier. Par exemple, une fois je suis parti au Japon pour des vacances, alors j’ai fait un reportage sur le manga que j’ai publié à l’occasion d’Angoulême. C’est très occasionnel.

Ce que j’aime le plus, très sincèrement, c’est le cinéma d’animation. C’est le domaine avec lequel j’ai toujours ressenti le plus de plaisir que ça soit pour l’écriture ou pour le visionnage. Le festival d’Annecy est une bouffée d’oxygène incroyable chaque année parce que l’on voit des choses originales mais aussi bizarroïdes. C’est un foisonnement dans une ambiance absolument géniale. Du coup, c’est vraiment sur ce domaine-là que je préfère écrire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quel a été votre ressenti sur l’ambiance générale d’Annecy cette année ? Avez-vous un film, un réalisateur voire un moment qui vous a marqué ?

 

J’y vais depuis 5 ans déjà. Cette année, j’ai trouvé que la sélection de longs métrages était moyenne par rapport aux années précédentes. Ce n’est pas lié à Marcel Jean, qui est quelqu’un de compétent, que j’ai rencontré. Le marché de l’animation est un marché cyclique donc il y a des années moins bonnes que d’autres.

Cette année ce que j’ai beaucoup aimé dans les longs métrages c’est Jasmine d’Alain Ughetto. Ça m’a beaucoup touché. C’est un film très intime avec une histoire qui est la sienne – son histoire d’amour avec une iranienne qu’il a perdu de vue par la suite. Je trouve que la forme qu’il a utilisée est ambitieuse du point de vue formel, un peu expérimental aussi. C’est de la pâte à modeler simple, basique mais il montre ses mains en train de la fabriquer pour justement montrer que cette pâte à modeler est vivante, qu’elle a un cœur qui bat à travers ses mains. Il y a un rapport fort entre le charnel dans la pâte à modeler et le rapport amoureux qu’il a eu avec cette femme. J’ai trouvé cela très beau mais les autres films m’ont laissé assez indifférents.

Pour les courts métrages, j’ai eu un coup de cœur incroyable sur le cristal du court métrage. Le film du canadien, Chris Landreth qui s’appelle Le Jeu de l’inconscient. C’est un film complétement délirant et drôle qui a l’originalité de mêler plein de techniques d’animation. Là aussi la forme rejoint totalement le fond de façon admirable.

 

Vous avez parlé dans l’une de vos critiques du film de Sachka Unsfeld Le Parapluie bleu, en quoi est-il « visuellement stupéfiant » ?

 

Oui c’était assez scotchant. Ca rejoint ce sur quoi Marcel Jean a beaucoup insisté : un programme « animation off limits » pour montrer que l’animation sortait de ces frontières classiques, des dessins animés, de la pâte à modeler etc. Le Parapluie bleu est stupéfiant parce qu’on ne sait pas si l’on est dans un film en prise de vue réelle ou dans un film d’animation. C’est assez étonnant et volontaire de la part du réalisateur, que j’ai rencontré.

L’histoire est basique, simple et pas très originale mais la forme rend, pour le coup, le film vraiment touchant parce qu’on est encore plus étonnés de voir des éléments de la ville s’animer : les feux rouges, les gouttières et les parapluies. C’est l’une des choses les plus belles que j’ai vu à Annecy cette année.

 

D’une façon globale, le cinéma d’animation est méconnu ou plutôt mal connu, il est relié au cliché « c’est pour les enfants ». D’ailleurs Bill Plympton, qui est dessinateur de bande dessinée et réalisateur de films d’animation américains, explique qu’ « il est difficile de trouver de l’argent quand on ne fait pas des films d’animation pour enfants. » D’après vous, pourquoi ce cliché existe-t-il encore ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’après Jean Pierre Pagliano, historien du cinéma et critique de films d’animation, dans son livre Le Roi et l’Oiseau, voyage au cœur du chef-d’œuvre de Prévert et Grimault écrit « un nombre d’animateurs ont pris conscience que le dessin animé pouvait éveiller les consciences, marier réalisme et symbolisme et dégager une profonde émotion ». Qu’en pensez-vous ? D’après vous que faudrait-il faire pour que le public ait une autre opinion du cinéma d’animation ?

 

Il faut qu’il y ait des films qui touchent un public plus large. Par exemple, les cinéastes japonais s’adressent à tous les publics, du coup, tous les gens qui ont vu les films du studio Ghibli, à partir des années 90, vont voir des films d’animation par la suite parce que ce sont des films de qualité avec une esthétique sur le fond et sur la forme. Ce sont des films très riches. Il faut prendre exemple la dessus avec de jeunes réalisateurs qui fasse des films qui s’adressent à tous les publics avec des distributeurs qui aient le courage de les lancer. Il y en a en France, même si ce n’est pas évident à trouver. Folimage est le seul vrai studio en France mais ils font des films plutôt destiné à un public d’enfants. Il y a Autochenille production de Joann Sfar, Antoine Delesvaux et Clément Oubrerie qui ont fait Le Chat du rabbin qui est pour tous les publics ou encore Aya de Yopougon. Le souci c’est que la production s’adresse encore essentiellement à un public enfantin.  

On parle souvent de la violence à la télévision pour contrer cela, il faut de l’éducation par l’image dès l’école. Une appropriation des codes du cinéma d’animation qui permet aux enfants de comprendre que ce n’est pas qu’un médium comme un autre puisqu’il est difficile à réaliser et permet de créer des histoires de toutes sortes. Il y en a des films qui sortent mais ne rencontrent pas toujours leur public comme Couleur de peau miel, qui s’adressait à un public cible en particulier. C’est un film sur un enfant coréen qui a été adopté en Belgique, c’est l’adaptation d’une bande dessinée.

Pour les courts métrages, le problème c’est qu’il n’y a pas de canal de diffusion large en France. La première année où je suis allé à Annecy, cela m’a vraiment frappé : tous ces films merveilleux qu’on ne peut pas voir en salles c’est vraiment désolant. Exception faite à Pixar et Disney. La solution peut-être internet, à l’époque j’avais fait un papier la dessus car il y avait des tentatives pour montrer des courts métrages en VOD de façon gratuites et parfois payantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors, selon vous, internet va devenir le premier support de diffusion pour les films d’animation ?

 

La question se pose pour les films en général parce que c’est les mêmes problématiques de chronologie des médias, les mêmes problématiques de public. J’ai l’impression que ce qui marche sur internet c’est les secteurs de niches. Donc justement des films plus ambitieux, plus formel sur le fond en l’occurrence d’animation peuvent avoir une seconde vie intéressante en VOD. Le problème de ce moyen, pour le moment, c’est la qualité médiocre et le cout par rapport aux DVD. Je ne sais pas, il y a un modèle à trouver peut-être de la SVOD donc de la VOD forfaitaire, à l’abonnement comme ce que propose Canal+ pour l’animation. On en revient toujours, aux enfants, mais la chaine Gulli fonctionne très bien et passe de temps en temps de l’animation. Alors les séries ne sont pas forcément géniales mais cela prouve qu’il peut y avoir de la place pour une chaine, sur internet, qui serait uniquement dédié au cinéma d’animation et aux courts métrages. Au-delà d’internet, il y a également les téléphones portables puisque les gens consomment plus facilement les formats courts. C’est l’idée que j’avais quand j’ai fait ce papier à l’époque mais je n’ai pas l’impression que quiconque se soit lancer. Il n’y a qu’aux Etais-Unis qu’on commence à voir apparaitre des géants de la diffusion sur internet comme Netflix. Il faut un modèle économique très travaillé.

 

Beaucoup de films d’animation se tournent vers des plateformes de financement participatif. Chez Croq’Anime, nous avons développé un financement participatif sur le site Ulule, nous avons déjà 31%. Pourquoi le domaine qu’est le film d’animation a autant de difficultés à récolter des fonds que ce soit pour réaliser ou pour diffuser des films ?

 

C’est un secteur où ce n’est pas toujours facile de trouver de l’argent et tout dépend de quel film on veut produire. La fabrication en animation coute plus chère qu’un film en prise de vue réelle parce que ça demande plus de travail, plus de main d’œuvre, etc. alors ce n’est pas évident de trouver de l’argent en France d’autant qu’il n’y a pas de gros studios qui peuvent absorber la masse de travail nécessaire. De plus, les distributeurs de films d’animation on les compte sur les doigts de la main. Ça coute très cher en distribution parce que la compétition américaine est soutenue par des studios qui ont l’argent pour écraser la concurrence du point de vue marketing et publicitaire. Pour pouvoir faire face, il faut vraiment beaucoup d’argent. Par exemple, Didier Brunner des Armateurs est un producteur reconnu car il a lancé Michel Ocelot, Les Triplettes de Belleville, et a produit Ernest et Célestine. Jusque-là il travaillait avec GBK et il y a eu un moment ou GBK n’a pas pu s’aligner parce que le producteur veut réduire son risque et s’assure que le distributeur avec lequel il va travailler pour pouvoir avoir une force de marketing et publicitaire suffisante. Du coup, en France il y en a très peu qui font appel au financement participatif au niveau de la diffusion.

J’avais fait un papier sur le financement participatif cette année après Annecy ou on m’a expliqué qu'un réalisateur en compétition avait été financé en partie par Kickstarter. Ce site internet américain fonctionne parce que c’est de la niche et que le monde de l’animation est une bonne communauté. Toutes les campagnes ne marchent pas mais dès lors qu’on s’adresse à une niche ou une communauté soudée, bien animée et motivée ça fonctionne parfaitement. Je pense que c’est les mêmes problématiques que pour le cinéma en prise de vue réelle.

 

Est-ce un bon moyen de sensibiliser les spectateurs au film d’animation que de mélanger la prise de vue réelle et l’animation comme dans Le congrès d’Ari Folman ? Comme vous l’avez dit dans l’un de vos articles, est-ce une bonne idée pour essayer d’effacer les frontières entre ces deux genres et ainsi démontrer ou montrer que le film d’animation est aussi du cinéma ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’animation prend plus de liberté que les films en prise de vue réelle. Qu’en pensez-vous ?

 

J’ai l’impression qu’il y a une inventivité folle qu’on retrouve rarement dans le cinéma en prise de vue réelle. C’est difficile de faire des généralités parce le cinéma en prise de vue réelle et le cinéma d’animation ont tellement de choses différentes. En plus, on ne peut pas tout voir mais je trouve que dans l’animation, il y a des choses qui sont à couper le souffle du point de vue formel et du fond. C’est très intelligent, drôle et intéressant. Le court métrage de Chris Landreth est scotchant.

 

Cette année, pour la première fois, lors du festival, nous allons décerner un prix musique. Pensez-vous que la musique ait une place vraiment importante dans les films d’animation ?

 

J’y fais attention bien sûr. Dans le cinéma d’animation, je concentre mon attention sur les images, les techniques, le fond. La musique est l’un des éléments mais je n’y fais pas plus ou moins attention qu’un film en prise de vue réelle. Elle a tout de même une place importante parce que parfois il y a des films d’animation complétement muets. Par exemple, dans Paperman de Disney il y avait une musique très belle malgré le fait que le film est complètement muet. La musique est presque comme un personnage. Il y a quelques films d’animation qui sont aussi des comédies musicales, le chef d’œuvre c’est quand même L’Etrange Noël de monsieur Jack. Les musiques de Danny Elfman sont sublimes. Les Noces funèbres aussi étaient très belles. Dans Coraline il y avait aussi très belles musiques et plein de parties musicales.

J’ai eu la chance juste après Annecy d’aller chez Disney, à Los Angeles. On y était allé pour la ressortie en DVD du Livre de la Jungle et de la Petite Sirène qui vont ressortir à la rentrée. Ils ont fait venir Richard Sherman qui est compose avec son frère, un duo de compositeurs et de musiques de films. Ils ont bossé pour Disney pendant environ 15 ans et ils ont composé une quantité de musiques de film Disney comme Mary Poppins. Il nous a fait un petit récital des chansons du Livre de la Jungle – sauf « Il en faut peu pour être heureux, la seule qu’il n’a pas écrite – c’était chouette ! Mais c’est lui qui a composé cet air atroce qu’est It’s a small world after all. Il nous a chanté ça, c’est un truc qui colle à la tête toute la journée. Hormis ça, on se rend plus compte de l’importance de la musique et des chansons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’année dernière, vous êtes allé à la Japan Expo. Aimez-vous les mangas tels que Naruto ou encore One piece ? Quelles sont les grandes différences que vous ressentez entrer la culture nippone et la culture occidentale ?

 

Je ne suis pas un grand lecteur de mangas. J’avais beaucoup de préjugé sur les mangas parce que ça restait des feuilletons en série, un peu industriel, pas très intéressant. Cependant, j’y suis venu via Taniguchi, qui fait une forme de manga, de roman graphique manga. Les différences de gouts du public entre les deux pays se trouvent dans les œuvres pour lesquelles il est connu en France et au Japon : ce n’est pas les mêmes ! J’y suis venu aussi avec Miyazaki, qui fait de très beaux mangas notamment Nausicaä. Egalement par mes neveux qui m’ont prêtés One piece. J’en ai lu 2-3, je me suis assez vite lassé mais au début j’ai trouvé ça très rigolo. Je suis pas du tout convaincu par le graphisme, que je trouve, en général, assez laid sauf Taniguchi ou Miyazaki. J’ai lu par exemple, Les Gouttes de Dieu, cette série sur le vin, qui a énormément de succès au Japon et en France. C’est assez connu et c’est très marrant. Donc de cette série, j’en ai lu 3-4. Et là je suis en train de lire une série très rigolote qui s’appelle Thermae Romae qui a un succès délirant au Japon. C’est l’histoire d’un romain de l’empire romain, qui se retrouve projeter dans des faillesspatiaux temporelles, dans des bains publics du Japon moderne.

Pour les différences, ça se remarque tout de suite quand on arrive au Japon. On est sur une autre planète. La série Thermae Romae est rigolote parce que justement on voit les différences et à la fois les ressemblances. C’est uniquement sur les bains, mais c’est cette recette qui plait aux enfants parce que c’est toujours des histoires initiatiques, un adolescent qui n’est pas comme les autres, qui est un peu cancre et qui s’en sort. Là-dessous, il y a aussi des codes moraux qui sont effectivement très différents avec un refus souvent du manichéisme. Etonnement, c’est ce que j’ai découvert avec Ghibli, c’est des univers beaucoup plus ambigus que ceux en Occident. Les gentils et les méchants ce sont des affrontements de logique. Dans Princesse Mononoké de Miyazaki, ça m’avait vraiment frappé. C’est-à-dire que le méchant n’est pas vraiment méchant, il peut être aussi gentil. Ca amène à la réflexion et c’est très lié à la culture nippone avec le yin et le yang, avec ce côté qu’on en nous un peu des deux. Faut savoir être un peu moins moraliste.

 

En étant un journaliste « culturoweb », vous pensez que le support digital dépasse ou va dépasser le support physique ?

 

C’est une vaste question ! Il y a plein de théories là-dessus. De mon point de vue, je pense que les deux supports sont complémentaires et que le papier a encore de longs jours devant lui dès lors qu’on est un peu plus attentif aux attentes du lectorat et publier des choses sur le net sans avoir la volonté de faire du clic avant tout. Je pense que le papier continue à exister sous des formes différentes et que le web va se développer mais en évoluant différemment parce qu’il y a des sites qui sont trop des copies conformes de ce qu’on trouve sur le papier et qui ne sont pas passionnantes. Je pense qu’il y a une réponse adaptée pour chaque journal en fonction de son public. Nous, on a un lectorat qui est relativement aisé et donc du coup qui acceptent de payer pour nous lire en papier et maintenant de plus en plus en numérique. Il y a toujours une vigilance extrême à l’égard du gratuit chez nous comme on a un lectorat qui reste limité les revenus publicitaires ne sont pas énormes. Il faut trouver un modèle, ce qui fonctionne c’est la niche encore une fois. Dans tous les cas, le papier va continuer d’une façon ou d’une autre. J’en suis persuadé. Après peut être qu’on passera à des supports différents à des tablettes souples ou du papier à encre électronique. Je n’ai pas d’attachement viscéral au papier ni d’admiration béate pour le web même si c’est un médium génial, qui offre – tout comme l’animation – plein de possibilités, beaucoup plus qu’il ne l’est maintenant. Du coup c’est l’occasion de s’interroger sur nos pratiques journalistiques mais je n’ai pas du tout la solution !

 

Vous êtes également critique de cinéma, Comment avez-vous aiguisez votre sens de la critique ? Par tous les films que vous avez visionnés ou par quelqu’un qui vous a inspiré ?

 

J’ai toujours aimé le cinéma, c’est ma grand-mère qui m’a initié. Après j’ai lu Les Cahiers du cinéma pendant 10 ans, ça m’a appris à regarder un peu différemment les films surtout du point de vue formel. Après pendant mes études à Sciences Po, j’ai choisi tous les cours possibles et inimaginables en rapport avec le cinéma. Du coup, j’ai écrit quelques papiers pour former mon point de vue critique. C’est à La Croix que j’ai vraiment écrit. Arnaud Schwartz, qui dirige la rubrique, m’a beaucoup guidé parce qu’écrire des critiques cinéma à La Croix c’est un peu particulier car dès qu’on touche des sujets qui s’approchent du sensible il faut savoir dire les choses en prenant toutes les précautions d’usage pour être que le lecteur ne puisse pas reprocher d’être allé voir un film qu’il trouve répréhensible du point de vue moral ou du point de vue de la violence, etc. Ce n’est pas de l’auto censure mais une façon de dire les choses différemment.

Après je lis mes collèges, les Cahiers du cinéma, parfois Positif et puis je lis la presse cinéma quotidienne. Je vais voir des films pour le journal : de l’animation, des blockbusters, des grosses productions hollywoodiennes – c’est un cinéma qui m’amuse et que je trouve intéressant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avez-vous un message pour Croq’Anime ?

 

Restez motivés comme vous êtes ! Je trouve que vous avez une sélection de films intéressante à chaque fois. C’est gratuit et donc super parce que c’est typiquement le genre d’évènements qui peut permettre au grand public de voir de l’animation qu’on ne peut voir qu’en festivals, souvent payants. En plus, ça permet de sensibiliser les gens aux courts métrages, choses que l’on voit peu d’habitude !

 

J’ai vu de grandes discussions dessus sur le forum de Fous d’Anim. D’ailleurs, j’avais interviewé l’homme qui s’occupait de cette discussion. Il était assez radical là-dessus. Je pense que c’est parce qu’il n’y a pas eu assez d’œuvres comme Persépolis ou Valse avec Bachir qui s’adresse aux adultes ou aux adolescents. Ces films-là, quand ils sortent, ne trouvent pas forcément leur public. Il y avait un film très beau Le Voyage de monsieur Crulic qui a été récompensé l’an dernier et qui n’a pas trouvé son public alors qu’il est aussi fort que Valse avec Bachir. Je pense qu’il y a une éducation du public qui se fait petit à petit grâce à la génération des gens nés dans les années 80, qui ont grandi avec l’image comme un médium destiné à tous, particulièrement à partir du Roi et l’oiseau. L’image un peu cassée surtout avec les films de Pixar qui touchent souvent tous les publics, qui amusent autant les adultes que les enfants tout en les faisant réfléchir. C’est une question de génération et plus ça va aller moins les gens mettront le cinéma d’animation dans la case « films pour enfants ».

C’est plus une évolution des choses mais il n’y a pas l’idée de vouloir casser les frontières entre prise de vue réelle et animation. Les réalisateurs utilisent une forme qui juge la mieux adaptée aux propos de leur film. C’est une évolution du genre vers une utilisation de films de plus en plus hybrides. En tout cas, les créateurs qui peuvent utiliser à la fois des images de synthèse, des prises de vue réelles le font car ils travaillent avec des gens qui savent le faire. Ari Folman travaille avec un animateur, il n’y connaissait rien lors deValse avec Bachir. C’est un scénariste, il a fait une série télévisée donc je pense que la frontière s’estompe parce qu’il y a plus de films dans les grosses productions américaines avec des effets spéciaux et visuels de partout c’est d’ailleurs ce que dénonce Ari Folman dans Le Congrès. Dans tous les cas, cela pose beaucoup de questions sur l’image : comment manipuler l’image, qu’est qu’on utilise comme image et comme support. Le fond rejoint toujours la forme et je trouve ça passionnant. C’est en ça que l’animation est passionnante à suivre parce que c’est un champ d’expérimentation qui peut servir à tous pour créer de nouvelles formes visuelles, de nouvelles formes cinématographiques. Tous les ans, à Annecy ou encore à Croq’Anime, la sélection des films est bonne car il y a des films qui interrogent et qui sont dans l’expérimentions formelle.

Un court métrage favori ?

 

Je pense que ça serait La maison en petits cubes du japonais Kunio Kato. Il a été récompensé à Annecy, en 2008, la première année ou j’y suis allé. Il est sublime, nostalgique et très émouvant. C’est l’histoire d’un homme qui vit dans une maison qui est sur l’eau. Lorsque l’eau monte, il doit reconstruire une maison. Un jour il fait tomber sa pipe et plonge pour aller la récupérer. A travers chaque maison précédente il se remémore des souvenirs. C’est à la fois très sophistiqué et très simple, il y a de la magie dedans ! A chaque fois que je le vois j’ai les larmes aux yeux. S’il devait n’en rester qu’un ce serait celui-là, j’y pense souvent quand je parle de court métrage.

 

 

 

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